science preuves Dieu

Que valent les « preuves » de l’existence de Dieu ?

Qu’est-ce qu’une preuve ?

Toute preuve dépend d’un axiome, d’une proposition évidente (elle-même non démontrée) servant de base à la démonstration. Démontrer, c’est montrer la vérité d’une proposition par une opération déductive : d’après une ou plusieurs propositions, on montre la vérité de la conclusion. Cette vérité est une conséquence logique (et nécessaire) de la première proposition, dans la mesure où le raisonnement est solide.

Petite histoire (non exhaustive) des « preuves » (a priori) de l’existence de Dieu

Anselme

Au 11ème siècle, Anselme, archevêque de Cantorbéry, formule une preuve dite a priori de l’existence de Dieu. Quelle est sa démarche ? Anselme écrit dans le Proslogion (1078) qu’il cherche à formuler un argument qui « pour être probant, n’aurait eu besoin que de soi-même, qui suffirait seul pour démontrer que Dieu est véritablement (…) » [1].

Quelle est la faculté que le genre humain a en partage ? La raison. C’est à partir de celle-ci, et en se tenant à celle-ci uniquement, qu’Anselme construit son argument, qui cherche à montrer qu’est vraiment « fou » celui qui dit en son cœur que Dieu n’existe pas (voir Psaume 14.1).

Dans cet argument, Anselme écrit qu’il existe sans aucun doute quelque chose dont on ne peut rien concevoir de plus grand, qui existe à la fois dans l’intelligence et dans la réalité, et qu’il est impossible de concevoir sa non-existence, puisqu’il est l’être nécessaire et absolu, c’est-à-dire qu’il possède l’être de la manière « la plus vraie et la plus haute de tout » [2]. Afin de démontrer cela, il souligne que l’existence dans la réalité est un mode d’existence supérieur à l’existence dans l’intelligence seule. Par conséquent, et dit de façon simplifiée, si Dieu est l’être suprême, il doit non seulement exister dans notre tête, mais aussi dans la « vraie vie ». Sinon, il ne ne serait pas l’être par excellence, et il y aurait donc une contradiction. Ainsi, l’être au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir existe « sans aucun doute » (d’après les termes d’Anselme) et dans l’intelligence, et dans la réalité.

Descartes

Quelques siècles plus tard, c’est Descartes qui renouvelle les « preuves » a priori de l’existence de Dieu (Thomas d’Aquin les ayant critiquées au 13ème siècle), en partant de l’idée d’infini en nous et de l’idée de Dieu comme être parfait. Si Dieu est l’être le plus parfait, alors il ne saurait lui manquer une perfection. L’existence étant une perfection, celui-ci doit exister de façon nécessaire, puisque la propriété d’existence est contenue dans son essence (une existence actuelle et éternelle appartient à sa nature). Descartes présente l’idée de la façon suivante : penser l’idée de Dieu sans l’existence nécessaire, c’est comme imaginer un triangle dont la somme des angles n’est pas égale à deux angles droits, ou une montagne sans vallée. Leibniz, après Descartes, s’accordera sur ce point : quiconque reconnaît l’idée de Dieu doit aussi concevoir l’existence comme une perfection, et avouer que l’existence nécessaire et absolue appartient à Dieu.

Que peuvent les preuves ?

Jusqu’ici, je me suis concentrée sur les preuves a priori de l’existence de Dieu, qu’on nomme aussi « argument ontologique » à la suite de Kant. Mais il y en a d’autres : les arguments cosmologiques (tout ce qui commence à exister a une cause), l’argument du dessein intelligent (ce qu’écrivait Voltaire dans Les Cabales « L’univers m’embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait pas d’horloger »), l’argument moral (d’après l’existence de valeurs morales objectives), et d’autres encore.

Mais que peuvent les preuves ? Pour qu’une preuve soit convaincante, il faut que tous les partis impliqués admettent la première prémisse, c’est-à-dire qu’ils la pensent (ou croient) vraie. Ainsi, le succès d’une preuve dépend d’un accord préalable, d’un consensus. Prenons l’argument moral pour exemple :

(1) Si Dieu n’existe pas, alors les valeurs morales objectives n’existent pas.

(2) Or, les valeurs morales objectives existent.

(3) Donc, Dieu existe.

Cet argument est un modus tollens, un argument d’après la règle d’inférence. Pour qu’il soit convaincant, il faut que mon interlocuteur admette la vérité de la proposition (1) et de la proposition (2). S’il n’est pas prêt à les concéder, alors ma preuve ne peut… rien. Et de nos jours, admettre les deux premières propositions n’est pas chose évidente. Nous avons là un modèle frappant de l’idée que Paul exprime en Romains 1.18-19 : hommes et femmes retiennent injustement la vérité captive.

Mais qu’en est-il de ceux qui admettent la vérité de ces propositions ?

Que prouvent les preuves ?

Livrées à elles-mêmes, les preuves ne peuvent pas grand chose, mais elles peuvent prévenir un excès : exclure la raison. La croyance en Dieu peut vite être taxée d’irrationnelle, et à mon humble avis, à tort. Croire en l’existence de Dieu, ce n’est pas faire preuve d’irrationalité. À nouveau, je pense que Romains 1 illustre bien cela.

Mais si la raison peut bien des choses, elle ne peut pas tout. Dieu n’est pas une simple idée de la raison — il est une personne. Il est le Dieu créateur, le Roi, le Sauveur, le Libérateur, le Consolateur… Et il entre en relation avec ses créatures. Notre Rédempteur vit et il se laisse rencontrer.

Dans les Preuves par discours III, Pascal souligne que la connaissance de l’existence de Dieu par des raisons naturelles est inutile et stérile sans Jésus-Christ [3]. Pourquoi ? Parce que Jésus-Christ seul est l’auteur de notre salut.

Notes :

[1] Fides quaerens intellectum de saint Anselme. Paris, J. Vrin, 1964, p.3, (nous soulignons).

[2] Ibid., p.15.

[3] « Et c’est pourquoi je n’entreprendrai pas ici de prouver par des raisons naturelles ou l’existence de Dieu ou la Trinité ou l’immortalité de l’âme, ni aucune des choses de cette nature, non seulement parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connaissance sans Jésus‑Christ est inutile et stérile. Quand un homme serait persuadé que les proportions des nombres sont des vérités immatérielles, éternelles et dépendantes d’une première vérité en qui elles subsistent et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancé pour son salut ».

Digiqole ad

Tu devrais aussi aimer...

Répondre

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *