Post de Nathan L., 24 ans, responsable à JPC, et auteur du livre Devenir un Homme selon Jésus.
Note de l'éditeur : Certaines personnes s'imagineraient peut-être que ce genre de discussion est bien trop élevée pour l'adolescent chrétien moyen. Prouvez-leur le contraire !
Je réfléchissais, en me promenant tout à l’heure, à la théologie. Certains me trouveront bizarre, mais je dois confesser que c’est ce que je m’amuse à faire pendant les heures inoccupées de mon cerveau.
Et je pensais, comme très souvent, à la théologie de l’élection. Je suis, moi-même, calviniste[1] et je pense donc souvent aux objections à cette théologie. Le calvinisme est une des doctrines de ma foi auquel je suis le plus attaché, mais je pensais à des gens qui trituraient le calvinisme pour lui faire dire que la théologie de la grâce calvinienne devrait nous conduire à une pratique très indirecte de l’évangélisation, au travers de laquelle le plus de place possible est laissée à Dieu, enlevant à l’action humaine dans le pas de foi chrétien.
Ce qui m’a conduit à me poser la question suivante : si Jean Calvin était si attaché à l’Ecriture dans la construction de sa doctrine, comment est-ce que des gens qui se réclament de Jean Calvin pourraient croire en un exercice si anti-scripturaire de l’évangélisation ? Les Actes des Apôtres nous montrent très clairement que l’action humaine est essentielle dans la conversion des gens, Pierre et Paul pratiquant une prédication extrêmement fervente et directive…
Et ceci m’a conduit à me dire ceci : l’orthopraxie est plus important que l’orthodoxie. Pour le dire en français courant, je préfère avoir tort et agir bien que d’avoir raison et d’agir mal. Et moi, en calviniste chevronné que je suis, me suis retrouvé à confesser ceci : je préférerais encore être un arminien, l'opposé d'un calviniste, qui agit bien qu’un calviniste qui agit mal. Il me faut du courage pour le dire, mais je le dois.
En regardant à la clarté des Ecritures, les actions des premiers chrétiens sont sans appel. Si je ne peux pas défendre ma position calviniste face à ce que la Bible me montre de la vie chrétienne normale, alors je dois la lâcher. A mon sens, s’il y a de loin plus de récits dans la Bible que d’écrits propositionnels (style lettres de Paul, de Pierre, de Jean, certains écrits prophétiques, etc…), c’est que Dieu est plus intéressé par comment nous agissons que par ce que nous croyons.
Et si je prends le temps d’écrire cela, c’est que j’ai le sentiment que dans beaucoup d’églises évangéliques, et en particulier dans la branche la plus traditionnelle, il y a une dépense d’énergie trop grande sur l’orthodoxie (la croyance juste) par rapport à l’orthopraxie (la pratique juste).
Je ne dis absolument pas que l’orthodoxie est inutile (autrement pourquoi aurais-je passé trois années de ma vie en faculté de théologie), et je perçois parfaitement qu’une compréhension juste de la foi informe notre pratique, et la rend d’autant meilleure. Donc l’orthodoxie est importante.
Mais honnêtement, si on passait moins de temps à se plaindre de vices de procédure, d’articulation juste de la doctrine de la fin des temps et de faire en sorte que tout le monde croie exactement la bonne foi, et que l’on passait plus de temps à aimer son prochain en actions sociales d’évangélisation et en projets d’unité et de communion fraternelle au sein de l’église, on serait bien plus avancé qu’on ne l’est aujourd’hui.
L’enseignement et les actes de Jésus ainsi que la pratique de l’enseignement et de l’action dans l’église néotestamentaire nous montrent que ces deux choses sont importantes. Mais s’il fallait donner un ordre à ces pratiques, je dirais que la bonne pratique prend la primauté sur le bon enseignement.
Comme l’a dit l’auteur du grand classique spirituel L’Imitation de Jésus-Christ, « Je préfère ressentir de la componction[2] que d’en connaître la définition ».
Ce que je préfère de loin est d’être un calviniste avec une bonne pratique. Ma compréhension calviniste va influencer mon action chrétienne, et celle-ci sera d’autant plus juste et semblable à Christ (à mon avis), parce que faite de façon calviniste. Mais SI je devais choisir entre de la bonne pratique avec une croyance fausse (tout en restant dans les limites de ce qu’il faut croire pour être sauvé) et de la mauvaise pratique avec une croyance juste, je choisirai la première parmi ces deux, parce que j’estime que la juste pratique prend primauté sur la juste croyance.
Et ceci va influencer les priorités que je place dans l’usage de mon temps en tant que chrétien sur cette terre.
Dans tous les cas, ce débat peut-être très compliqué avec des arguments pour et contre de chaque côté. Quoi qu’il en soit, je vous invite à y mettre vos commentaires et pensées dans la section « commentaires » ci-dessous.
Je vous demande simplement une chose : merci de rester dans un débat sur orthopraxie/orthodoxie, et de ne pas partir sur le débat calvinisme/arminianisme ou quoi que ce soit du genre. Ce débat est super intéressant, mais n’est pas le sujet de ce post, ni l’objet de ce blog.
NOTES
[1] Pour les non-initiés, il s’agit en gros de dire que Dieu est souverain sur la liberté de l’homme, et plus particulièrement en ce qui concerne la foi ; Dieu décidant qui est chrétien et qui ne l’est pas, pour faire très simple et très simpliste.
[2] Componction = sentiment de tristesse et de repentance par rapport à notre péché
Du même auteur L’épouse de mon meilleur ami / Le coeur de Dieu pour la justice / La mort de la mort / Vous avez dit… « masculinité » ? / Les dynamiques de la louange