Le contexte de Jacques
Mi-juillet, j’étais à une convention chrétienne au Royaume-Uni, et j’ai entendu une série de messages sur l’épître de Jacques de la part du pasteur Andy Gemmill. Il nous a fait comprendre que l’une des clés pour comprendre Jacques, c’est que les destinataires sont des églises où les chrétiens se comportent mal entre eux. Tout au long de la lettre, Jacques ne mâche pas ses mots quand il les reprend.
Au chapitre 2, on apprend que ces églises font preuve de favoritisme selon la richesse de chacun. “Ecoutez, mes frères et sœurs bien-aimés : Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour les rendre riches dans la foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ? Et vous, vous méprisez le pauvre !” (Jacques 2:5-6a)
Ensuite, il paraît qu’ils justifient leur paresse par la doctrine “c’est la foi seule qui sauve”. Bien que vrai en soi, ce dicton devient une excuse pour désobéir aux commandements de Jésus, et Jacques les tacle : “Tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien ; les démons aussi le croient, et ils tremblent. Veux-tu reconnaître, homme sans intelligence, que la foi sans les œuvres est morte ?” (Jacques 2:19-20)
Et le passage de la lettre où l’on apprend sûrement le plus sur les destinataires de Jacques est le début du chapitre 4. “D’où viennent les conflits et d’où viennent les luttes parmi vous ? N’est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres ? Vous désirez et vous ne possédez pas ; vous êtes meurtriers et jaloux, et vous ne pouvez rien obtenir ; vous avez des luttes et des conflits.” (Jacques 4:1-2a)
On pourrait continuer (le début du chapitre 5 est tout aussi violent). Mais c’est utile de voir que Jacques n’est pas un pot-pourri d’enseignements disjoints. Il y a un fil conducteur : Jacques écrit pour reprendre et corriger des chrétiens qui se comportent mal entre eux.
Et les enseignants, alors ?
Revenons au verset annoncé dans le titre. Jacques écrit à des chrétiens qui se maltraitent de diverses manières, dans des églises pleines de conflits, et il vient de les reprendre sur leur absence d’œuvres qui devraient témoigner de leur foi. C’est alors qu’il affirme à ses lecteurs :
“Ne soyez pas nombreux à vouloir devenir des enseignants”.
C’est à eux que Jacques parle. Vu les problèmes de leurs églises, ils sont mal placés pour enseigner aux autres.
Ce n’est donc pas une contradiction avec 1 Timothée 3:1 : “Cette parole est certaine : si quelqu’un aspire à la charge de responsable, c’est une belle tâche qu’il désire.” C’est un conseil à prendre dans son contexte. Si votre église est pleine de conflits, de luttes, de favoritisme et de mépris envers les pauvres, j’espère que vous ne produisez pas dix pasteurs par an. N’envoyez pas aveuglément à la faculté de théologie un jeune qui s’est brouillé avec tous ses amis chrétiens un par un. D’ailleurs, même le passage de 1 Timothée ci-dessus est suivi d’une liste de critères que tout aspirant pasteur doit remplir. Ce n’est pas une question d’être parfait (aucun pasteur ne l’est), mais un judicieux conseil que les églises les moins mûres devraient produire le moins de pasteurs.
Je pense aussi que Jacques vise en particulier le cas de faux enseignements. Vu les reproches qu’il fait, ses destinataires transmettent sans doute plein d’idées fausses, telles que “toi, tu as la foi et moi, j’ai les œuvres” au chapitre 2. Ça explique la fin du verset : quelqu’un qui enseigne des erreurs à toute l’église sera sans aucun doute jugé plus sévèrement que s’il ne les enseigne qu’à ses quelques proches. Une église où se propagent de faux enseignements n’est pas un bon terrain pour chercher beaucoup d’enseignants.
Quelle application pour nous ?
Quand on cherche à remettre un passage dans son contexte, faisons attention à ne pas en oublier l’application pour nous. Nous ne voulons pas négliger des commandements de la Bible en affirmant qu’ils étaient destinés à un contexte spécifique.
Premièrement, prenons au sérieux les avertissements de Jacques. Le ministère chrétien n’est pas à prendre à la légère. C’est un rappel sérieux que si nous aspirons à des responsabilités dans l’église, nous devons d’abord traiter chacun de nos frères et sœurs avec amour et respect.
Deuxièmement, comment savoir si cet avertissement devrait me faire changer d'avis ? Si c’est une question que tu te poses, parles-en à tes responsables d’église ou à d’autres chrétiens mûrs. Tu risques d’entendre le conseil d’attendre un peu avant de te diriger vers le ministère : moi-même, cela fait six ans que j’y réfléchis, mais mes parents et d’autres chrétiens que je respecte m’ont encouragé à commencer par un autre parcours d’études. Avec le recul, ça me paraît maintenant évident que ç’aurait été beaucoup trop tôt pour me lancer directement dans la formation théologique.
Enfin, si nous voulons que nos églises soient des terrains mûrs pour la formation de pasteurs, théologiens, et autres serviteurs de l’Évangile, commençons par nous aimer les uns les autres. Fuyons les querelles, les luttes de pouvoir et le favoritisme. En te soumettant avec joie aux anciens de ton église, en accueillant les nouveaux qui arrivent le dimanche, et en respectant chaque frère ou sœur en Christ sans souci de condition sociale, tu peux à ton échelle édifier ton église. Et que tu finisses pasteur, plombier, ou prof d’allemand, tu auras fait l’œuvre de Dieu.