Après avoir introduit la série mardi (ici), et considéré la défense de la position charismatique par Nathan avant-hier (ici), avant de considérer la défense de la position non charismatique par Alex hier (ici), laissons maintenant Nathan répondre à Alex.
En réponse à ton exposé, je soulèverai d’abord ce point : oui je suis d’accord que l’Esprit donne les dons pour un bien commun et que parfois ce "bien commun" relève d’une œuvre bien spécifique (la construction du Tabernacle ou la révélation, l’articulation, l’attestation et la diffusion des textes néotestamentaires, par exemple).
Cependant, si les dons artistiques donnés à Betsalel & co ont été pour une œuvre unique, pourquoi ces mêmes dons ne pourraient-il pas être donnés à d’autres pour d’autres moments ? Le bien commun ne veut pas dire « l’occurrence unique d’un seul bien commun ».
Pour ce qui est du ministère apostolique, la chose est encore plus claire. Si la mise par écrit du Nouveau Testament était un besoin spécifique au 1er siècle, les personnes chargées de poser les fondements de l’enseignement et celles envoyées pour témoigner de l’enseignement de Christ (les apôtres) auraient forcément été celles qui seraient responsables de « la révélation, l’articulation, l’attestation et la diffusion » des textes. Cependant, si cette fonction-là de l’apostolat n’allait être assumée que par la première génération d’apôtres, les générations suivantes continueraient tout de même à être douées par Dieu pour témoigner de l’enseignement et poser les fondements dans de nouvelles Églises, en plus de sonner la charge missionnaire de l’Église et d’aider les Églises locales dans leur stratégie en équipant les leaders, mettant en place des anciens, etc.
Donc la cessation de certains besoins spécifiques ne fait pas cesser, pour moi, certains dons (qui peuvent être utilisés dans de nouveaux projets de Dieu) ni certains ministères (qui verront leur « cahier des charges » être légèrement modifié, dépendant des besoins, comme tout cahier des charges qui se respecte).
Quant à la prophétie, je ne suis tout simplement pas d’accord avec ta définition. Je ne crois pas que quelqu’un qui prophétise selon le model enseigné dans le NT parle « avec l’autorité du Saint-Esprit ». 2 Pierre 1.19-20 parle des prophètes de l’Ancien Testament qui ont annoncé la venue de Jésus. Il est question ici des « prophéties de l’Écriture » et non pas de la prophétie telle que nous la trouvons exercée dans le NT. Sinon quoi ? Paul désobéirait-il à l’autorité du Saint-Esprit alors qu’il va à l’encontre d’Agabus le prophète (Actes 21.10-13) ? Cette autorité aurait d’ailleurs été bafouée par le fait qu’Agabus s’est trompé : ce ne sont pas les Juifs qui ont lié Paul, mais la garnison romaine (Actes 21.33). Ce ne sont pas les Juifs qui l’ont livré aux Romains, mais ce sont les Romains qui se sont emparés de lui (Actes 21.33). Devrait-on aussi soupeser les paroles de la Bible tout comme on soupèse la prophétie néotestamentaire (1 Thes. 5.20-21) ? Devrait-on aussi dire que la Bible est partielle comme l’est la prophétie (1 Cor. 13.9) ? La Bible a-t-elle perdu sa suffisance ? Non, il me semble plutôt que les données du NT concernant la prophétie affirment que celle-ci n’est pas parfaite comme dans l’Ancien Testament. Voici pourquoi je le crois :
Au temps de l’AT, les prophètes étaient particulièrement oints par Dieu tout comme l’étaient les rois et les prêtres. Dans le NT, il n’y a qu’une seule personne ointe : l’Oint de l’Éternel, le Messie (Massiah signifiant « oint » en hébreu), Jésus le Christ (Christos signifiant « oint » en grec). Or tous ceux qui sont en Christ participent à Christ et à son onction. Mais jamais pleinement. En tant que membres de ce corps, nous formons, nous tous réunis, la plénitude de Jésus sur terre (Éph. 1.23). Mais chaque membre individuel, lui, n’est qu’une partie de ce corps. Il y a une absence de plénitude d’onction en chaque chrétien. À certains chrétiens, il est donné de participer plus spécifiquement à un élément ou un autre de l’onction de Jésus ; cependant à aucune personne n’est donnée l’onction pleine du prophète de l’Ancien Testament. C’est pour cela que nous prophétisons en partie et que nous soupesons la prophétie en tant que corps.
Pour ce qui est des langues, je suis d’accord avec ce que tu dis. Elles constituent un signe pour les Juifs. Cependant, ce signe se serait-il arrêté alors que l’Évangile n’a pas encore transpercé toutes les barrières linguistiques babéliennes et que la grande mission mondiale continue ? Oui, les langues cesseront ; mais seulement lorsque le parfait viendra au moment où des gens de toutes langues le confesseront.
Qui plus est, les langues humaines parlées lors de la Pentecôte sont un don, celui des langues. Cependant, le don dont Paul semble parler en 1 Cor. 14 est tout autre : il s’agit là de langues qui sont incompréhensibles, autant que le sont des instruments désaccordés (v. 8-9). Paul va jusqu’à dire qu’elles sont mystérieuses (v. 2) et même inintelligibles (v. 9). Il s’attend à ce que personne ne les comprenne (v. 2). Peut-on vraiment douter qu’il s’agit là de langues destinées à être comprises par Dieu alors que nous le louons (v. 2), et qui peuvent être interprétées uniquement par quelqu’un qui a reçu ce don surnaturel pour en faire bénéficier toute l’assemblée ?
Pour finir, je lancerai cette question à tous les cessationistes : ne vous paraît-il pas étrange que toutes les choses qui, selon vous, ont cessé sont des choses de l’ordre du surnaturel et du miraculeux ? Êtes-vous absolument certains que c’est par biblisme et non par rationalisme que vous tenez votre position ?
A demain, pour la réponse d'Alex à la défense initiale de Nathan (que tu peux retrouver ici) ;).