Battle théo : Nathan répond à Alex

Crédits Photo : bigfun.com.au
Crédits Photo : bigfun.com.au

Après avoir introduit la série mardi (ici), et considéré la défense de la position charismatique par Nathan avant-hier (ici), avant de considérer la défense de la position non charismatique par Alex hier (ici), laissons maintenant Nathan répondre à Alex.

En réponse à ton exposé, je soulèverai d’abord ce point : oui je suis d’accord que l’Esprit donne les dons pour un bien commun et que parfois ce « bien commun » relève d’une œuvre bien spécifique (la construction du Tabernacle ou la révélation, l’articulation, l’attestation et la diffusion des textes néotestamentaires, par exemple).

Cependant, si les dons artistiques donnés à Betsalel & co ont été pour une œuvre unique, pourquoi ces mêmes dons ne pourraient-il pas être donnés à d’autres pour d’autres moments ? Le bien commun ne veut pas dire « l’occurrence unique d’un seul bien commun ».

Pour ce qui est du ministère apostolique, la chose est encore plus claire. Si la mise par écrit du Nouveau Testament était un besoin spécifique au 1er siècle, les personnes chargées de poser les fondements de l’enseignement et celles envoyées pour témoigner de l’enseignement de Christ (les apôtres) auraient forcément été celles qui seraient responsables de « la révélation, l’articulation, l’attestation et la diffusion » des textes. Cependant, si cette fonction-là de l’apostolat n’allait être assumée que par la première génération d’apôtres, les générations suivantes continueraient tout de même à être douées par Dieu pour témoigner de l’enseignement et poser les fondements dans de nouvelles Églises, en plus de sonner la charge missionnaire de l’Église et d’aider les Églises locales dans leur stratégie en équipant les leaders, mettant en place des anciens, etc.

Donc la cessation de certains besoins spécifiques ne fait pas cesser, pour moi, certains dons (qui peuvent être utilisés dans de nouveaux projets de Dieu) ni certains ministères (qui verront leur « cahier des charges » être légèrement modifié, dépendant des besoins, comme tout cahier des charges qui se respecte).

Quant à la prophétie, je ne suis tout simplement pas d’accord avec ta définition. Je ne crois pas que quelqu’un qui prophétise selon le model enseigné dans le NT parle « avec l’autorité du Saint-Esprit ». 2 Pierre 1.19-20 parle des prophètes de l’Ancien Testament qui ont annoncé la venue de Jésus. Il est question ici des « prophéties de l’Écriture » et non pas de la prophétie telle que nous la trouvons exercée dans le NT. Sinon quoi ? Paul désobéirait-il à l’autorité du Saint-Esprit alors qu’il va à l’encontre d’Agabus le prophète (Actes 21.10-13) ? Cette autorité aurait d’ailleurs été bafouée par le fait qu’Agabus s’est trompé : ce ne sont pas les Juifs qui ont lié Paul, mais la garnison romaine (Actes 21.33). Ce ne sont pas les Juifs qui l’ont livré aux Romains, mais ce sont les Romains qui se sont emparés de lui (Actes 21.33). Devrait-on aussi soupeser les paroles de la Bible tout comme on soupèse la prophétie néotestamentaire (1 Thes. 5.20-21) ? Devrait-on aussi dire que la Bible est partielle comme l’est la prophétie (1 Cor. 13.9) ? La Bible a-t-elle perdu sa suffisance ? Non, il me semble plutôt que les données du NT concernant la prophétie affirment que celle-ci n’est pas parfaite comme dans l’Ancien Testament. Voici pourquoi je le crois :

Au temps de l’AT, les prophètes étaient particulièrement oints par Dieu tout comme l’étaient les rois et les prêtres. Dans le NT, il n’y a qu’une seule personne ointe : l’Oint de l’Éternel, le Messie (Massiah signifiant « oint » en hébreu), Jésus le Christ (Christos signifiant « oint » en grec). Or tous ceux qui sont en Christ participent à Christ et à son onction. Mais jamais pleinement. En tant que membres de ce corps, nous formons, nous tous réunis, la plénitude de Jésus sur terre (Éph. 1.23). Mais chaque membre individuel, lui, n’est qu’une partie de ce corps. Il y a une absence de plénitude d’onction en chaque chrétien. À certains chrétiens, il est donné de participer plus spécifiquement à un élément ou un autre de l’onction de Jésus ; cependant à aucune personne n’est donnée l’onction pleine du prophète de l’Ancien Testament. C’est pour cela que nous prophétisons en partie et que nous soupesons la prophétie en tant que corps.

Pour ce qui est des langues, je suis d’accord avec ce que tu dis. Elles constituent un signe pour les Juifs. Cependant, ce signe se serait-il arrêté alors que l’Évangile n’a pas encore transpercé toutes les barrières linguistiques babéliennes et que la grande mission mondiale continue ? Oui, les langues cesseront ; mais seulement lorsque le parfait viendra au moment où des gens de toutes langues le confesseront.

Qui plus est, les langues humaines parlées lors de la Pentecôte sont un don, celui des langues. Cependant, le don dont Paul semble parler en 1 Cor. 14 est tout autre : il s’agit là de langues qui sont incompréhensibles, autant que le sont des instruments désaccordés (v. 8-9). Paul va jusqu’à dire qu’elles sont mystérieuses (v. 2) et même inintelligibles (v. 9). Il s’attend à ce que personne ne les comprenne (v. 2). Peut-on vraiment douter qu’il s’agit là de langues destinées à être comprises par Dieu alors que nous le louons (v. 2), et qui peuvent être interprétées uniquement par quelqu’un qui a reçu ce don surnaturel pour en faire bénéficier toute l’assemblée ?

Pour finir, je lancerai cette question à tous les cessationistes : ne vous paraît-il pas étrange que toutes les choses qui, selon vous, ont cessé sont des choses de l’ordre du surnaturel et du miraculeux ? Êtes-vous absolument certains que c’est par biblisme et non par rationalisme que vous tenez votre position ?

A demain, pour la réponse d’Alex à la défense initiale de Nathan (que tu peux retrouver ici) ;).

Digiqole ad
Avatar

Nathan L

http://nathanlambert.net/

26 ans, Rébellutionaire depuis une bonne dizaine d'années, marié à Beki, papa d'Emilie et de Caleb, responsable à l'Eglise CVV Paris et auteur du livre Devenir un Homme Selon Jésus.

Voir tous ses articles →

Tu devrais aussi aimer...

7 Commentaires

    Avatar
  • Il y aussi le faite que les premiers temps dans le nouveau testament (quand Jésus est élevé et va auprès de son père) sont aussi les temps de la fin car même pas quelques année après son assomption, les chrétien attendaient DEJA son retour !! En gros les temps du début son aussi montrer comme les temps de la fin ! Alors ce qui était dans les temps de la fin pour eux (parce qu’ils attendaient autant que nous le retour de Jésus) avec des miracles, véritablement l’onction de l’esprit sur terre, le royaume de Dieu qui s’approche de la terre seraient différent aujourd’hui pour nous alors qu’on attend d’autant plus l’arrivé de Jésus ! :)

    Cela serait dommage que Jésus aurait permis ça au début (qu’il sonsidérait comme la fin) et pas aujourd’hui alors que c’est véritablement et indéniablement les temps de la fin !! :)

    Quand Jésus dit qu’il y aura une puissance qui viendra sur nous, que les miracles qui accompagneront ce qui auront cru seront …. etc Tout ça était valable pour l’église primitive mais aussi pour nous ! :)

      Avatar
    • Jo, tu as raison. Le récit d’Actes 2 annonce que nous sommes maintenant dans les « derniers jours ». Qu’en est-il donc de cela pour les cessationistes ? Serions dans les temps après les derniers jours ? Ce ne seraient donc plus les derniers jours, mais les avant derniers jours qu’annonçait le prophète Joël… Cet argument, que j’ai omis de mentionner, est en fait sans doute un des tous meilleurs.

        Avatar
      • Bonjour Nathan,
        Dans Actes 2, Pierre ne dit pas expressément que la parole de Joël était entièrement accomplie à la pentecôte qu’il vivait, c’est seulement un accomplissement partiel d’une prophétie de Joël qui est donnée pour les derniers jours. Il me semble que c’est forcer le texte que de dire que Pierre annonce être aux derniers jours. L’Esprit n’a d’ailleurs pas été versé « sur toute chair », ni à ce moment-là, ni depuis. On trouve certes mention qu’on est dans la dernière heure (1 Jean), mais Paul parle dans ses épîtres au futur des derniers temps ou des derniers jours. De plus, la prophétie de Joël renvoie bien à ce qui précédera immédiatement le jour du Seigneur (jugement) v.19-21, et ce qui suivra aussi (effusion universelle de l’Esprit) v.17-18, mais Pierre prend appui dessus pour montrer ce que Dieu était en train de faire en envoyant l’Esprit. Lorsque des prophéties de l’AT sont clairement accomplies, on a des expressions souvent plus fortes, parlant de l’accomplissement de la Parole (voir par ex. Jean 19, 24, 28, 36, en notant au passage le v.37 qui cite simplement la prophétie de l’AT sans mentionner son accomplissement puisqu’encore futur).

  • Avatar
  • Hey Nathan,

    Peut-être faut-il que tu précises comment tu en viens à faire une différence entre prophétie du Nouveau Testament et prophétie de l’Ancien Testament.
    Il me semble que c’est ici le coeur du débat.

    Je crois, personnellement, que l’appellation “cessationisme“ ne fait pas honneur à la position non charismatique.
    Le terme “complètationisme“ lui irait bien mieux. En effet, ce n’est pas en soit que tel ou tel dont ce soit arrêté, mais plutôt que ce sur quoi ces dons se focalisaient soit apparu.
    Christ est le coeur, le but, et l’apogée de la révélation prophétique. Christ étant paru, la prophétie a atteint son but et est désormais parvenue à son accomplissement.
    C’est exactement ce l’auteur de l’épître aux Hébreux veut communiquer lorsqu’il déclare : “Après avoir autrefois, à de nombreuses reprises et de bien des manières, parlé à nos ancêtres par les prophètes, 2 Dieu, dans ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils.“ (Hébreux 1:1)

    Donc, concrètement, si tu souhaites avoir une parole prophétique, lis la Bible :-)
    Je suis reconnaissant de pouvoir quotidiennement au bénéfice de la prophétie, bien qu’elle se soit arrêtée après la révélation de Christ et la fin de la mission de ses témoins directs (les apôtres).

    Bises.
    Guillaume

      Avatar
    • Mais je l’explique, non ?

      Dans l’AT, on voit qu’il y a attente de perfection dans le prophétique. Dans le NT, non. Donc la chose est différente… (j’ai cité les références dans mon article).

      De plus, dans l’AT, une personne était ointe pour prophétiser. Dans le NT, tout le monde prophétise, participant à l’onction de Christ, étant « en Christ », mais en tant que corps ; chaqe membre étant incomplet sans le reste du corps… Nous prophétisons donc en partie, et évaluons en assemblée.

      J’aimerais préciser que la nature de la prophétie dans le NT est très spécifique : elle ne consiste pas à donner de nouvelle révélations sur Dieu, normatives pour toute l’Eglise universelle. Elle consiste à donner des précisions et directions spécifiques dans des contextes pratiques (comme Agabus avec Paul) : Dieu ne parle pas de la casuistique de ma vie dans la Bible (est-ce que je fais S ou ES ? Est ce que je vais étudier à Rennes ou à Montpellier ?). Le prophétique est là p-our ça dans le NT. Et il sert à encourager, avec des paroles surnaturelles qui viennent confirmer des choses que nous avions déjà sur le coeur. Quand Paul parle du prophétique dans 1 Co 14, celui qui est vécu en assemblée, il ne mentionne jamais le fait de révéler Christ. Et Agabus révèle-t-il Christ quand il prophétise ?!

      Hb 1.1-2 et 2 P 1.19-21 parlent très clairement des prophètes de l’AT, qui, eux annonçaient la venue de Christ. On annonce la venue de quelqu’un lorsqu’il est encore à venir. On proclame quelqu’un lorsqu’il est déjà venu. On ne dit jamais que la prophétie a un rôle kerygmatique dans le NT. Et pourtant le NT est très clair que la prophétie continue, bien que Christ soit déjà venu… Que fais-tu de tous ces textes que parlent du prophétique dans le NT, si tu crois que l’unique rôle de la prophétie était d’annoncer Christ ?

  • Avatar
  • Cher Nathan,

    Merci de ta réponse qui est précise et pertinente.

    J’ai couvert beaucoup de ces points dans mes autres commentaires.

    Sur le parallèle que je fais avec le Tabernacle, et sur la question de l’utilité permanente ou non des dons, c’est ici.

    Sur le fait qu’il existerait des genres différents de prophétie entre l’Ancien Testament et le Nouveau, c’est ici.

    Sur le fait que certaines des langues dont parle Paul seraient des langues extatiques, c’est ici.

    Enfin, sur la question du rationalisme qui motiverait notre position plutôt que le biblisme, je pense que c’est un procès d’intention, comme je le dis ici.

    Bien fraternellement !

      Avatar
    • Merci Alex pour toutes ces réponses.

      Comme tu le soulignes dans un de tes commentaires, nos conversations tournent autour de différences d’opinion sur la nature des différents concepts bibliques. J’ai mes raisons de croire ce que je crois. Tu as les tiennes, et nous les avons bien montrés ici.

      Pour ce qui est du procès d’intention, je m’en excuse. C’est un simple constat pour avoir beaucoup passé de temps avec des cessationistes. J’en connais bien qui prient en effet pour la guérison. J’en connais d’autres qui font ce que moi j’appelle « prophétiser », mais qui appellent ça « avoir une intuition » ou « une préscience » ou quelque chose de ce genre. Simplement, la majorité des cessationistes que je rencontre ou que je lis sont plus dans la veine de Doug Wilson (qui a un blog super intéressant au cas où tu ne le connais pas : dougwils.com), qui dirait ne jamais avoir, ni pouvoir avoir une intuition ou une parole ou une image venant de Dieu. Il ne prie pas non plus pour des guérisons miraculeuses. Bref, d’où mon commentaire. Les « full cessationists », comme Warfield ou Gresham Machen prendraient aussi cette position. Donc je ne voulais pas te prendre à partie personnellement avec ces propos, mais je sais qu’il y a des cessationistes qui ont cette position.

      Au plaisir de se rencontrer à l’occasion,

      En Christ,

      Nathan

Répondre

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *