Notre série avec Alain Nisus continue. Après son article écrit spécialement pour La Rébellution et l’interview qu’il nous a accordée, voici le deuxième de quatre extraits de son livre : "Pour une Foi Réfléchie – Théologie Pour Tous" , qu’il offre en avant-goût à tous les Rébellutionnaires. Vous pourrez retrouver ce texte pp. 769-771 du livre.
Le piercing
Face au corps lisse et bronzé, jeune et en bonne santé, au corps-idole de la publicité, certains adolescents exhibent un corps contestataire, un corps « en guerre » marqué de tatouages ou/et hérissé de piercings. Bien sûr, il y a des degrés dans la contestation : un petit tatouage ou un seul piercing (ça dépend où !) ne produisent pas le même effet ! Le piercing (de l’anglais « percer ») de l’adolescent est certainement une contestation des parents qui les atteint dans leur chair. Un discours corporel qu’on peut entendre comme : « Voilà ce que j’en fais de votre chair ! » ; « je ne suis plus votre chair ! » ; « je fais ce que je veux de ma chair ! ». Percer cette chair qu’on a hérité d’eux, c’est une façon de se séparer de ses parents mais par la douleur !
Le problème n’est donc pas le piercing mais la colère. Les scarifications, que se font les adolescents mal dans leur peau, sont un degré supplémentaire dans la manifestation d’une colère retournée contre soi. Ceux qui le font témoignent que cela apporte un soulagement provisoire à leur angoisse mais aussi que c’est comme une drogue. Si notre corps est un don de Dieu, nous ne devons pas le mépriser, le maltraiter. D’autant moins que Dieu ne l’a pas méprisé puisqu’il s’est fait chair en Jésus-Christ. Notre Dieu nous a donné un moyen d’exprimer nos angoisses, nos colères : la parole. Si nous crions avec notre corps car nous avons le sentiment que les adultes, les parents, ne nous écoutent pas, Dieu, lui, nous écoute. Lisons les psaumes qui mettent des mots sur nos angoisses, nos colères, et adressons Lui nos prières.
Si nous avons l’impression que l’adolescence est une traversée du désert, reprenons cette prière de David dans le désert : « O Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche. Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi, dans une terre aride, desséchée, sans eau » (Psaume 63.2). Et Dieu répond à nos prières !
Le tatouage
L’interdiction biblique du tatouage figure en Lévitique 19.28 : « Vous ne ferez pas d'incisions sur votre corps pour un mort et vous ne vous ferez pas de tatouages. Je suis l’Éternel »
Dans les sociétés « primitives », les tatouages, et autres marquages du corps, ne sont pas du tout contestataires. Au contraire, la peinture du corps répond à des codes sociaux précis : en exhibant certains signes sur son corps on enfile un uniforme, on indique sa place dans la société, son âge (les scarifications rituelles sur le visage comme rite de passage imposé aux garçons adolescents), le moment social (peinture de guerres) ou encore la divinité à laquelle on se consacre. Le tatouage est alors une manière de marquer qu’on appartient à tel dieu. Ainsi les Égyptiens se tatouaient des images de leurs dieux et se lacéraient le corps lors de deuils. Il est intéressant de noter que, dans le judaïsme de l’Ancien Testament, pour exprimer sa douleur, ce sont les vêtements qu’on déchire et non le corps qu’on lacère: ainsi Jacob apprenant la mort de Joseph déchire ses vêtements (voir Genèse 37.34).
C’est dans ce contexte de réaction à une pratique païenne que se situe l’interdiction du tatouage dans le livre du Lévitique 19.28. Le mot hébreu traduit par « tatouage » désigne soit le tatouage, soit la peinture corporelle ; en tous cas le contexte est clair : ces tatouages sont interdits parce qu’ils sont liés à un rituel païen.
On ne peut donc tirer de ce texte une interdiction biblique générale du tatouage. En revanche, poser la question « à qui est-ce que j’appartiens ? » est plus pertinent.
A l’armée, en prison, chez les motards, dans les gangs, il y a une tradition du tatouage qui est un signe d’appartenance à un groupe, on fait corps avec lui. D’ailleurs les gangsters japonais, les Yakusas, quand ils se repentent, se font enlever les tatouages de leur gang pour montrer qu’ils n’appartiennent plus à la pègre.
Mon corps est un don de Dieu, et si j’ai mis ma foi dans le Christ mon corps est, nous dit Paul, le temple du Saint Esprit (voir 1 Corinthiens 6.19). Or que fait-on dans un temple ? On adore Dieu ! Mon corps n’est donc pas un décor mais un lieu de vie spirituelle ! Glorifier Dieu dans notre corps, ce n’est pas se glorifier de son corps. Si je suis chrétien, j’appartiens au corps-communauté Eglise et je ne dois pas non plus offenser ce corps-communauté par un comportement immoral contraire à ma confession de foi au Christ : « Vous ne vous appartenez donc pas à vous-même, car vous avez été rachetés à grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps » (1 Corinthiens 6.19-20).
Pourquoi est-ce que je n’affirmerai pas mon appartenance au Christ en me faisant tatouer une croix, par exemple ? Entre parenthèses, il faut savoir que dans les tatouages, la croix n’est pas toujours un symbole chrétien. Il est intéressant de remarquer que, dans l’ancienne alliance, l’appartenance au peuple de Dieu devait s’inscrire de façon visible dans le corps masculin par la circoncision, alors que, dans la nouvelle alliance, elle se marque par le baptême, sans trace corporelle donc. C’est signe d’un processus de spiritualisation : dans la nouvelle alliance en Christ, c’est la conversion, la circoncision du cœur qui compte !
Il est vrai qu’aujourd’hui, dans notre société individualiste, l’usage du tatouage est plutôt ludique ou esthétique et participe davantage à l’affirmation de soi, « mon corps m’appartient » que « j’appartiens à tel corps », groupe social ou religieux. La question clé est donc celle de l’apparence.