Bref, les différentes manières de faire partie « du groupe populaire » on pu changer selon mon âge, mais le constat était le même : alors que j’arrivais assez bien à me fondre dans certains groupes sociaux, j’avais l’impression de ne pas pouvoir entrer dans d’autres, d’être comme laissé à la porte. Et soyez en certain : un tel sentiment de rejet est particulièrement difficile à vivre, à tout âge, mais particulièrement lorsqu’on est adolescent.
I- L’exploration de Lewis
Dans un discours de 1944 intitulé « The Inner Ring », c’est à cette idée de groupe exclusif et de personnes inclues et exclues que C.S. Lewis s’est intéressé à la manière dont les personnes et les sociétés peuvent construire ces murs entre les différents individus.
Dans cet article, il explore ainsi la manière dont la nature humaine se déploie souvent selon le concept de « cercle intérieur » (ou inner ring). Il explique que dans n’importe quelle organisation ou société, il existe des groupes informels, des cercles d’influence souvent invisibles et que la tendance naturelle de chaque individu est de vouloir chercher à être accepté dans ces cercles.
Le but de cette mini-série de deux articles sera de réfléchir à ces concepts pour éviter que nous (en tant que chrétiens) et nos églises soyons des personnes qui s’érigent des citadelles de clubs privés, mais aussi pour réfléchir aux tentations qui peuvent être les nôtres alors que l’on se sent hors de ces groupes et désirons ardemment nous faire une place en leur sein.
Le but ne sera donc pas avant tout de faire un plaidoyer contre ceux qui érigent de tels « cercles fermés », mais de garder en tête que nous sommes tous pécheurs et que de chaque côté du mur où nous nous trouvons, le péché peut tenter de nous saisir et nous séduire.
Dans ce premier article, nous réfléchirons donc aux tentations de celui ou celle qui se trouve exclu d’un groupe et qui aspire à vouloir en faire partie.
II - Désir d’appartenance et compromis moraux
Dans sa conférence, Lewis décrit d’abord l’attrait pour ces cercles comme une tentation humaine omniprésente :
Je crois qu’à certaines périodes dans la vie de tous les hommes et qu’à toutes périodes entre la petite enfance et l'extrême vieillesse dans la vie de beaucoup d'hommes, l'un des éléments les plus dominants est le désir d'être à l’intérieur « du groupe » et la terreur d'être laissé à l'extérieur de celui-ci
Traduction libre
Cependant, c’est là que peut se trouver le piège : ce besoin d’appartenance peut souvent pousser les individus à agir contre leurs convictions profondes, contre ce qu’ils croient pourtant être juste et bon. Et souvent, cela revient à se conformer au péché.
Le cas typique est cet adolescent qui va trop boire et se saouler en soirée pour faire comme tout le monde et faire partie du groupe. Ou cet autre jeune qui va suivre le mouvement pour critiquer une certaine personne de sa classe (ou un groupe de personnes), car ne sont pas vraiment tendances et peut-être un peu différentes.
Tu vois peut-être de tels comportements autour de toi et il est même possible que tu en sois la victime : et si c’est le cas, un risque pour toi est de désirer à tout prix rentrer dans un tel groupe, sans te demander si cela correspond aux valeurs de l’Évangile. Simplement pour en faire partie.
Application
Protège ton cœur : si rejoindre un tel groupe (ou « cercle intérieur ») te conduit à devoir te conformer au péché, il vaut mieux être exclu pour un temps de tels groupes, même si cela va sûrement te conduire à souffrir (1).
III - Les compromis moraux
Une fois qu’une personne entre dans un cercle, il est souvent prêt à tout pour y rester. Lewis met en lumière la manière insidieuse dont les « cercles intérieurs » fonctionnent : les règles sont tacites et sont rarement énoncées ouvertement, mais tout le monde sait ce qu’il faut faire pour être accepté. Et cela mène souvent à accomplir des actions immorales :
De toutes les passions, celle cherchant à faire partie « du groupe » est la plus habile pour faire faire de très mauvaises choses à un homme qui n'est pas encore un très mauvais homme
Traduction libre
Lewis avertit que le désir de plaire et d'être accepté dans ces cercles peut conduire les individus à trahir leurs propres valeurs et à adopter des comportements corrompus pour maintenir leur statut. L’entrée dans un groupe peut donc amener à se compromettre dans le péché, mais le maintien dans celui-ci aussi !
Par exemple, si entrer dans un groupe implique tacitement de critiquer ou d’exclure telle ou telle personne (ou groupe de personnes), il y a de forte chance que le maintien au sein de ce groupe implique de continuer d’exclure ces personnes. Et si le motif d’exclusion de ce groupe est fondé sur de mauvais motifs, comme par exemple sur le fait de trouver une personne bizarre, il te faudra continuer d’exclure ces personnes pour te maintenir au sein du groupe. Et agir ainsi s’appelle pécher.
Encore un autre exemple, si entrer dans un groupe implique d’avoir un comportement débridé (alcool, mauvais comportement avec des filles ou des garçons etc...), il y a peu de chances que cela change une fois que tu aies rejoint le groupe. Et peut-être même qu’il te faudra agir de manière de plus en plus mauvaise pour justifier son maintien au sein de ce groupe.
Application
Sois prudent : l’engrenage du péché est plus sournois que tu ne le penses et une fois qu’il nous prend dans ses filets, il est souvent difficile de faire machine arrière.
IV - L’illusion du bonheur
C.S. Lewis explique également que la quête pour entrer dans ces cercles est illusoire. Car même lorsque l’on parvient à entrer dans un cercle, il existe toujours un autre cercle plus exclusif à atteindre, rendant la quête sans fin :
La quête de « faire partir du groupe » brisera vos cœurs, à moins que vous ne la brisiez
Traduction libre
Pour Lewis, il est clair que la poursuite d’un tel objectif est vaine et ne procure pas de vraie satisfaction, en plus de potentiellement compromettre son cœur dans le péché.
Conclusion
Lewis exhorte ses auditeurs à éviter le piège des « cercles intérieurs », et à vivre selon des principes solides et à rechercher la sincérité, la droiture, ainsi que l’amitié sincère, plutôt que de lutter pour la reconnaissance des hommes.
En résumé, si tu ne fais pas partie des « in » et ne souhaite pas en faire partie car l’accès à de tels groupes implique d’agir dans la compromission aux valeurs de l’évangile : prend courage. Faire « partie du groupe » est une illusion dangereuse de pouvoir et de prestige, qui peut facilement mener à la compromission morale. Lewis (et toute la Bible après lui) appelle à la résistance contre cette tentation de la compromission du péché et à embrasser une vie fondée sur les valeurs de l’Évangile et des relations authentiques.
C’est souvent plus difficile de vivre ainsi, mais ça en vaut le coût !
Dans cet article, nous nous sommes intéressés à ce que ça impliquait pour la personne individuelle de manière générale (et principalement du côté de la victime). Dans le prochain article, qui sortira le mois prochain, nous nous intéresserons à ce que ça peut signifier dans le cas particulier de l’exclusion (et aussi dans notre manière d’agir en tant qu’église).
(1) Une telle souffrance conduit à nous conformer aux souffrances de Christ, comme nous y appelle l’apôtre Pierre (1 Pierre 4.13) : Jésus lui a été suprêmement rejeté, sans jamais péché, et c’est à lui que nous devons ressembler. Et d’ailleurs, Jésus est très sûr que ceux qui se conforment à son enseignement connaîtront une forme de rejet (Jean 15.20) : prend donc courage si tu souffres d’une telle situation, le Seigneur est avec toi :)