Imaginons cette situation : je déclare croire en Muhammad, le prophète de l’Islam. Je dis même l’honorer. Mais aussitôt, j’ajoute que je crois qu’il prêchait l'Évangile chrétien, qu’il croyait au Dieu trinitaire et qu’il était un fervent disciple du Christ. Est-ce que je peux sérieusement prétendre croire en Muhammad dans ces conditions ? Aucun musulman ne l'accepterait. Tous s’accorderaient pour dire que je déforme la foi, que je ne reconnais pas véritablement Muhammad tel qu’il est présenté dans l'Islam. Ils me diraient, avec raison, que j’utilise son nom tout en lui faisant dire et croire ce qu’il n’a jamais enseigné.
C’est pourtant exactement ce que fait l’Islam vis-à-vis de Jésus. Le Coran affirme croire en lui, qu’il est un prophète majeur, né d’une vierge, et qu’il reviendra à la fin des temps. Mais ce Jésus n’est pas le Jésus historique, ni celui que les apôtre sont prêché, ni celui que les Évangiles nous présentent. Il s’agit d’un Jésus profondément transformé, dénaturé, vidé de son cœur théologique.
Un Jésus sans croix
Le premier point de divergence fondamental entre l’Islam et la foi chrétienne concerne la croix. Le Coran rejette catégoriquement l’idée que Jésus ait été crucifié. Dans la sourate 4, verset 157, il est écrit :
“Et à cause de leur parole : ‘Nous avons vraiment tué le Christ, Jésus, fils de Marie, le Messager de Dieu’… Or, ils ne l'ont ni tué ni crucifié ; mais ce n'était qu'un faux semblant ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l'incertitude ; ils n'en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures, et ils ne l'ont certainement pas tué.”
Selon l’enseignement coranique, quelqu’un d’autre aurait été crucifié à la place de Jésus — peut-être un sosie ou Juda. Cette thèse nie le fait central du christianisme : la mort expiatoire de Jésus sur la croix, suivie de sa résurrection. Pourtant, dans les Évangiles, cette mort est décrite non comme un accident tragique, mais comme l’aboutissement d’une mission voulue, annoncée et acceptée par Jésus lui-même. Il disait :
"Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup." (Matthieu20:28)
La croix n’est pas un détail de l’histoire chrétienne, c’est le fondement. Dire croire en Jésus tout en niant la croix revient à croire en un autre Jésus. C’est croire en un personnage qui n’a pas accompli ce que Christ est venu faire selon les Évangiles : réconcilier l’homme avec Dieu par le pardon de nos péchés.
Un Jésus inefficace
Une autre difficulté majeure réside dans l’idée que l’enseignement de Jésus aurait été incomplet, voire inefficace, jusqu’à ce que Muhammad vienne le "corriger" ou le "compléter" six siècles plus tard. Pourtant, quand on lit le Nouveau Testament, rien ne laisse penser que Jésus aurait annoncé la venue d’un prophète arabe futur. Aucun de ses enseignements ne prépare ses disciples à attendre quelqu’un d’autre. Il affirme même :
“Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.” (Matthieu 24:35)
Le Nouveau Testament ne contient aucune référence, directe ou indirecte, à Muhammad. Aucun Évangile, aucune lettre des apôtres, aucun écrit des Pères de l’Église n’en fait mention. Si Muhammad était vraiment le prophète attendu, son absence totale des textes chrétiens pose question …
Un Jésus seulement de chair
Enfin, l’Islam reconnaît Jésus comme prophète, mais nie catégoriquement sa divinité. Pour les musulmans, Jésus n’est qu’un homme —certes choisi, né miraculeusement, mais uniquement humain. Le Coran dit explicitement dans la sourate 5.75 :
“Le Messie, fils de Marie, n'était qu'un Messager. Des Messager savant lui sont passés. Sa mère était une véridique. Tous deux consommaient de la nourriture...”
Ce verset insiste sur l’humanité de Jésus : il mange, il vit comme les autres, il meurt (dans une version alternative), il n’est pas Dieu. Cette vision est à l’opposé de celle des Évangiles, où Jésus dit par exemple :
“Avant qu’Abraham fût, je suis.” (Jean 8:58)
Il se présente comme éternel, un avec le Père (Jean 10:30), digne d’adoration. Les apôtres, loin de le voir seulement comme un prophète, le confessent comme “notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ”(Tite 2:13). L’Islam présente donc un Jésus amputé de sa dimension divine, de son autorité unique, de sa mission rédemptrice. Ce qui n’est pas le vrai Jésus.
Conclusion
Croire en un Jésus sans croix, sans divinité, sans mission accomplie, est-ce vraiment croire en Jésus ? L’intention de respecter un prophète ne suffit pas si l’on en change profondément l’identité. Ce que l’Islam fait avec Jésus est comparable à un chrétien qui prétend honorer Muhammad tout en lui attribuant des croyances qu’il n’a jamais eues. On ne peut pas honorer une figure religieuse tout en niant ce qu’elle a dit, fait et enseigné.
Croire en Jésus, c’est l’accepter tel qu’il s’est présenté lui-même, non tel qu’un autre nous le redéfinit six siècles plus tard.