Le meilleur est devant toi, faire face aux mensonges de la nostalgie

La douleur est inattendue. La vue d’une porte jaune ouvre ta mémoire. Une chanson dans un restaurant joue un air qui te ramène dans le passé. L’odeur d’un plat préparé dans le jardin te ramène à une table d’antan. Pendant quelques instants, tu deviens silencieux et pensif – tu te souviens, tu revis, tu cherches peut-être quelque chose que tu as aimé autrefois et que tu as perdu aujourd’hui.

Nous appelons cela la nostalgie. Le regard nostalgique en arrière. L’album photo de notre esprit. La corde qui fait vibrer le cœur des années passées. Le désir ardent de trouver un pont pour franchir le fossé du gouffre du temps.

Pour beaucoup, la nostalgie arrive aussi rarement qu’un inconnu à la porte, et repart aussi vite. Mais d’autres connaissent ce mal plus intimement. Peut-être parce qu’ils ont perdu plus que la plupart des gens, peut-être parce qu’ils ont un penchant sentimental, peut-être parce que leur vie actuelle ne leur apporte que peu de plaisir, le passé vit vivement devant eux. La nostalgie n’est pas étrangère.

Les regards en arrière, même les aspirations passées, ont leur raison d’être dans la vie des enfants de Dieu. Si nous le permettons, la nostalgie elle-même peut devenir un prophète du Seigneur. Mais la nostalgie peut aussi prendre une tournure plus sombre, raconter une histoire plus triste. Lorsque les vents de la mémoire soufflent d’hier à aujourd’hui, ils peuvent porter un murmure à peine entendu mais profondément ressenti : « Tes plus beaux jours sont derrière toi ».

Les meilleurs jours sont derrières

Les Grecs d’autrefois parlaient d’un âge d’or, d’une époque révolue de paix et de prospérité, de bonheur et de plénitude. Sans prétendre que le passé était parfait, beaucoup d’entre nous discernent également un éclat doré dans les jours passés. Les murs de notre cœur, si ce n’est de notre maison, contiennent des images de temps meilleurs, de rires et d’amours de jeunesse, d’ambitions naissantes et d’un corps moins brisé. Autrefois, nous vivions dans un pays sans ombre, ou du moins sans ces ombres.

Nous marchons aujourd’hui dans l’âge de bronze, semble-t-il, ou de fer. Les pages du présent sont rugueuses et sans relief ; les jours d’or sont révolus. Même pour ceux qui ont une vie heureuse, aujourd’hui peut sembler plus triste qu’hier. Au milieu des joies actuelles, beaucoup peuvent encore entendre le doux son des enfants qui ont grandi, des amours perdues, des rêves qui n’ont jamais pris leur envol. L’automne arrive dans chaque vie. Les feuilles tombent de nos jours les plus heureux.

Et l’avenir ? Nous récitons dans notre foi « la résurrection du corps et la vie éternelle », mais pour beaucoup, la lumière de ces jours-là brille faiblement. L’œil de la mémoire voit souvent plus clair que l’œil de la foi. Le paradis sera un endroit heureux, sans aucun doute, et le visage de Jésus sera un remède à toute tristesse. Mais aujourd’hui, ce qui a été pèse plus lourd que ce qui sera.

C’est ainsi que parle la voix sombre de la nostalgie. Mais au milieu de ces souvenirs, nous pouvons en entendre une autre : « Ne dites pas : « Pourquoi les jours d’autrefois étaient-ils meilleurs que ceux d’aujourd’hui ? Car ce n’est pas par sagesse que tu demandes cela » (Ecclésiaste 7.10). Les pointes de nostalgie peuvent nous conduire à la folie si nous les laissons faire. Ils peuvent forcer le passé, le présent et l’avenir à se fondre dans une histoire familière, souvent racontée mais la plupart du temps fausse. La nostalgie peut nous dire : « Vos meilleurs jours sont derrière vous ». Mais la sagesse dit le contraire.

Défaire le passé

Lorsque le sage regarde en arrière, il voit des jours heureux, voire glorieux. Pour David, le passé renferme les « merveilles » de Dieu, bien « plus qu’on ne peut en dire » (Psaume 40.5). Les années passées sont des chapitres du livre de Dieu (Psaume 139.16), et Dieu sait comment écrire de belles histoires. Pourtant, malgré toutes les merveilles d’hier, le passé n’est pas toujours ce dont nous nous souvenons.

La mémoire humaine ne raconte pas l’histoire de manière objective, même si nous pensons souvent le contraire. Comme les meilleurs historiens, elle sélectionne et met l’accent, et comme les pires, elle déforme et embellit. Regarde par exemple, ce que les Israélites qui erraient dans le désert se rappelaient de leur séjour en Égypte :

Oh, si nous avions de la viande à manger ! Nous nous souvenons du poisson que nous avons mangé en Égypte et qui ne coûtait rien, des concombres, des melons, des poireaux, des oignons et de l’ail. Mais maintenant, nos forces sont épuisées, et il n’y a rien d’autre que cette manne à regarder. (Nombres 11.4-6)

Ô mémoire chère et dangereuse : reporter fidèle et scribe sérieux, témoin bien-aimé et parjure audacieux ! L’Égypte, la maison de l’esclavage ; l’Égypte, la fournaise de Pharaon ; l’Égypte, le pays du travail forcé – et maintenant l’Égypte, l’oasis du Seigneur ? L’esprit, lorsqu’il est affligé, peut se souvenir des melons et oublier la misère.

Nos propres déformations peuvent être moins extrêmes. Mais l’avertissement du prédicateur de ne pas glorifier le passé (Ecclésiaste 7.10) suggère que nous aussi, nous pouvons dorer les pages des jours passés. En particulier lorsque le présent nous semble désagréable, nous pouvons oublier de nous souvenir des parties les plus douloureuses du passé. Hier comme aujourd’hui, nous avons dû faire face au manque de sympathie et au mécontentement. Hier comme aujourd’hui, nous portions des blessures. Le passé renferme en effet un âge d’or, mais ce jardin a été perdu bien avant notre époque.

Souviens toi, cher saint, que même le passé le plus heureux n’a pas seulement porté des fleurs, mais aussi des épines. Si nous pouvions voyager en arrière, nous trouverions en effet beaucoup de bons cadeaux – peut-être même plus que ce que nous avons maintenant – mais nous ne trouverions pas tout ce que nous cherchons. Le désir de la nostalgie nous conduit ailleurs.

Diminuer le présent

 Si le passé n’est pas toujours ce dont nous nous souvenons, nous pouvons alors nous demander si le présent est plus que ce que nous percevons. Le regard rétrospectif, auquel nous nous livrons trop souvent, ne nous rend-il pas aveugles aux bénédictions présentes ?

Aussi sombres que nos jours puissent paraître par rapport au passé, nous vivons toujours sous « le Père des lumières, chez qui il n’y a ni variation ni ombre due au changement » (Jacques 1.17). Chaque gloire passée était un don de sa propre main, et bien que de nombreuses années se soient écoulées, cette main reste ouverte et inchangée. Ses dons peuvent différer entre hier et aujourd’hui, mais il n’a pas cessé de donner.

Regarde autour de toi. Fais une pause et réfléchis. Fais comme le serviteur d’Élisée et demande des yeux pour voir (2 Rois 6.16-17). Quelle que soit l’amertume de ta coupe, ne contient-elle pas aussi une certaine douceur ? Dieu n’a-t-il pas entouré tes chagrins de réconfort, ou rempli tes journées ordinaires de plaisirs réguliers, ou ne t’ as-t-il pas donné un champ de compétence pour servir pour Christ, aussi petit soit-il ? Ne t’as-t-il pas donné ses paroles et son église – un chant dans la nuit et un chœur de voix ?

Mais plus que cela, plus que tous les dons de Dieu combinés et multipliés, ne s’est-t-il pas donné lui-même à toi ? Si tu te trouves dans un désert, la colonne de feu et de nuée ne t’a-t-elle pas accompagnés ? « Voici que je suis avec vous tous les jours », dit notre Seigneur (Matthieu 28.20). Ce « toujours » n’inclut-il pas aussi bien aujourd’hui qu’hier ?

Le pasteur John Newton a écrit un jour à une femme récemment devenue veuve : « Même si tous les cours d’eau doivent s’épuiser, la fontaine est toujours pleine et coule toujours. Tout le réconfort que vous avez reçu de votre cher ami venait du Seigneur, qui est abondamment capable de vous réconforter encore » (Lettres de John Newton, 225). En Christ, notre réconfort ne vient pas principalement d’un où ou d’un quand, mais d’un qui. Et bien que le temps ait changé la vie, nous ait changés, il ne l’a pas changé. Le Dieu éternel est toujours notre demeure, et sous lui demeurent les bras éternels (Deutéronome 33.27).

Dévoiler l’avenir

Un fil d’or relie donc notre passé et notre présent. Et si nous continuons à suivre ce fil, nous nous retrouverons tournés non pas vers le passé, mais vers l’avenir – à la recherche non pas d’un Eden perdu, mais de la nouvelle Jérusalem.

C’est là que réside le secret de la sainte nostalgie. Si nous écoutons le murmure selon lequel nos meilleurs jours sont derrière nous, si nous permettons à un passé doré d’assombrir le présent et d’abolir l’avenir, alors la nostalgie se révélera un persécuteur, emprisonnant notre joie. Mais si nous suivons le désir ardent d’un pays qui n’est pas derrière nous mais au-delà, la nostalgie se transformera en prophète et en apôtre, en prédicateur de la gloire à venir.

David Gibson écrit : « Les personnes sages qui comprennent comment Dieu nous a fait désirer Lui et le ciel ne regardent pas en arrière lorsqu’elles sont nostalgiques. Elles permettent à ce sentiment d’aller de l’avant. Ils regardent vers le haut, vers le ciel et vers la maison » (Living Life Backward, 103). Nous avons suivies les lettres fanées de la nostalgie en pensant qu’elles se lisaient ici, alors qu’elles nous parlaient du ciel.

Les cadeaux passés, aussi merveilleux soient-ils, n’étaient qu’un goût, un murmure, une fenêtre, une piste – « le parfum d’une fleur que nous n’avons pas trouvée, l’écho d’un air que nous n’avons pas entendu, des nouvelles d’un pays que nous n’avons encore jamais visité », comme le dit C.S. Lewis (Le poids de la gloire, 31). Ils étaient des prémices promettant une récolte, des rameaux d’olivier annonçant une nouvelle terre, les raisins de Canaan nous invitant à regarder au-delà du Jourdain de la mort vers la terre de notre héritage.

Comme Dieu l’a dit un jour à son peuple qui regardait en arrière, « Ne vous souvenez pas des choses passées, et ne considérez pas les choses anciennes » (Ésaïe 43.18). Voici que le Dieu des merveilles fait une chose nouvelle, fait lever un jour nouveau. Du tombeau, il a « mis en lumière la vie et l’immortalité » (2 Timothée 1.10), et maintenant il attend de nous recevoir. Bientôt et très bientôt, nous habiterons un monde où la tristesse ne peut vivre (Apocalypse 21.4). Bientôt et très bientôt, nous verrons la Personne derrière toutes nos joies passées (Apocalypse 22.4).

Notre passé peut contenir la vie la plus heureuse que ce monde ait jamais connue. Mais comparé à l’avenir que Dieu réserve à son peuple, même ce passé n’est plus qu’ombre et brouillard, mélodie brisée et image brûlée. Ainsi, lorsque la nostalgie nous envahit, il faut bien sûr souffrir et désirer, avoir envie et soif, se languir et désirer ardemment – mais pas pour le passé. Il faut plutôt avoir faim du ciel et de la maison.

En Christ, nos plus beaux jours sont toujours et à jamais devant nous.

Article traduit avec autorisation, merci Mary !

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