Sur les épaules de géants #10 : Martin Luther King

Connu des collégiens et lycéens français qui depuis de nombreuses années l’étudient inévitablement en cours d’anglais ou d’éducation morale et civique comme figure de proue de la lutte non-violente contre le racisme aux États-Unis, Martin Luther King est aussi, et c’est moins connu en France, pasteur baptiste.

Il naît en 1929 à Atlanta, au Sud-Est des États-Unis. Son père porte le même nom que lui, si bien qu’on les différencie en ajoutant Sr (pour « senior ») au nom du père, et Jr (pour « junior ») au nom du fils. Son père est pasteur, et prêche dans une église baptiste près de la maison familiale : sa mère y joue de l’orgue.

King suit des études brillantes. En 1951, il obtient une licence de théologie ; marié en 1953, il obtient son doctorat en théologie en 1955. Le couple King met quatre enfants au monde.

Les débuts de la résistance non-violente

À cette époque, la situation des Noirs est toujours très différente de celle des Blancs : à la fin de la Guerre de Sécession (1865), l’esclavage est certes officiellement aboli, mais il est remplacé par des mesures ségrégationnistes. Les Noirs ne peuvent fréquenter ni les même écoles que les Blancs, ni les mêmes toilettes, ni les mêmes quartiers, etc. Le jeune King raconte être marqué, petit, par ces scènes courantes de racisme ordinaire.

De 1954 à 1959, il est pasteur de l’église baptiste de Montgomery. Le mouvement de non-violence dont il devient le porte-étendard naît des suites de l’affaire Rosa Parks, qui a lieu le 1er décembre 1955. Cette femme noire monte dans un bus bondé de la ville, s’installe dans la partie réservée aux Blancs, car la partie réservée aux Noirs est pleine. Elle refuse de céder sa place à un Blanc, comme pourtant la loi l’exige. La police l’arrête, elle est traduite en justice mais libérée sous caution. Scandalisé, King organise le soir même une réunion à l’église : il encourage les Noirs à boycotter la compagnie de bus, pour protester de façon non-violente contre ces réglements racistes. Le boycott fonctionne si bien, pendant plus d’un an, que la municipalité fléchit, finalement, et qu’en novembre 1956, la Cour Suprême des États-Unis déclare inconstitutionnelles les lois discriminatoires dans les transports.

La fin des années 1950 est une période violente pour lui, où il est souvent menacé, et où on tente plusieurs fois de l’assassiner. Il coordonne des mouvements de boycott non-violents partout dans le pays : ces actions pacifiques aboutissent à des négociations locales qui permettent des améliorations sensibles du sort des Noirs.

« J’ai un rêve… »

Le 11 juin 1963, le président John Kennedy annonce à la télévision qu’au Congrès sera bientôt présentée une loi en faveur des droits civiques, dont l’objet est de faire officiellement cesser toutes les formes de discriminations que subissent les Noirs dans le pays. Le 28 août, King participe à une grande marche pacifique à Washington : au pied du Lincoln Memorial, il prononce alors son discours le plus célèbre : « I have a dream… ». Ce discours est pétri de références littéraires et historiques, mais aussi bibliques (des versets d’Ésaïe et des Petits Prophètes). King assimile en effet la situation des Noirs de son temps à celle des Hébreux esclaves en Égypte, et voit comme une exigence biblique de n’employer jamais la violence pour régler les conflits de ce genre. Le 02 juillet 1964, le Civil Rights Act est signé par le Président. En octobre, King reçoit le Prix Nobel de la Paix.

Dans ses dernières années, l’action de King est marquée par une inflexion très politique. Influencé par la pensée de Gandhi (1869-1948), autre figure de la non-violence, mais aussi par les idées socialistes, alors en pleine expansion au Sud des États-Unis, King porte de plus en plus de revendications socio-politiques qui inquiètent les autorités. Il continue de participer aux manifestations en faveur de l’amélioration des conditions de vie des Noirs, déclarant toujours faire la volonté de Dieu. Le 04 avril 1968, après quelques mois de prisons, il est assassiné par un repris de justice, alors qu’il se trouve tranquillement à son balcon.

Lire Martin Luther King Jr.

Parmi ses nombreux ouvrages, je recommande surtout la lecture de La force d’aimer, premièrement paru en 1963 mais réédité en 2013 en langue française, avec une introduction de Sébastien Fath, historien français spécialiste de l’évangélisme (et chrétien lui-même). C’est un recueil qui contient les textes de 17 de ses sermons, dans une langue française traduite de grande qualité. Ces prêches, tous christocentrés, reflètent les préoccupations de son temps ; par exemple, « Comment un chrétien voit le communisme » est une réflexion des plus intéressantes et riches sur une question politique importante en ces temps de début de Guerre froide, mais reste tout à fait valable et profitable aujourd’hui.

Pour aller plus loin

Comme on peut le lire dans le remarquable sermon « Aimer vos ennemis », King fonde sur les injonctions de Jésus (Mt 5:43-45) sa politique de non-violence à l’égard des persécuteurs des Noirs : si les Noirs subissent la haine et la discriminations des Blancs, alors il faut que les Noirs les aiment et prient pour eux autant que possible, ce qui n’impose pas d’obéir à leurs lois injustes. Depuis quelques années, mais plus spécialement depuis le printemps 2020, les pays occidentaux sont traversés par des vagues de revendications politiques racialistes, qui voient parfois s’affronter à nouveau Blancs et Noirs, avec souvent beaucoup de violence, de provocation, et de haine visible. Quoi qu’on pense du bien-fondé de certaines positions, interrogeons-nous sur les moyens de leur expression, et méditons ces paroles du pasteur King :

« Il n’y aura pas de solution durable au problème racial tant que les opprimés ne seront pas capables d’aimer leurs ennemis. Les ténèbres de l’injustice raciale ne seront dissipées que par la lumière d’un pardon dans l’amour. Durant plus de trois siècles, les Noirs américains ont été battus par la verge de fer de l’oppression (…). Forcés de vivre dans ces conditions honteuses, nous sommes tentés de nous aigrir et de prendre notre revanche dans une haine égale. Mais si cela arrive, l’ordre nouveau que nous voulons ne sera guère qu’une copie de l’ordre ancien. Dans la force et l’humilité nous devons opposer l’amour à la haine. (…) L’amour est la puissance la plus durable du monde. Cette force créatrice, si admirablement exemplaire dans la vie de notre Christ, est l’instrument le plus puissant qui se puisse trouver dans la recherche, par l’humanité, de la paix et de la sécurité. » (La force d’aimer, « Aimer vos ennemis », pp. 82-84)

 

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Quentin

Quentin, étudiant en théologie à la faculté Jean Calvin d'Aix-En-Provence

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