Se donner pour se trouver – L’Évangile et la liberté chez John Stott

Parmi les papiers des archives de John Stott se trouve une page isolée, plutôt brouillonne, avec ces mots écrits au crayon à papier : « La première priorité de l’Église… reste les millions et les millions de personnes… qui (comme nous le disent encore et encore Christ et ses apôtres) sont en train de périr sans Christ. » (Mission Chrétienne dans le Monde Moderne, page 19)

Il s’agit des notes manuscrites de Stott pour une contribution impromptue qu’il donna à l’Assemblée du Conseil Mondial des Églises à Uppsala, en 1968. Stott était présent uniquement en tant que conseiller, mais il se sentit obligé de parler lors de la séance plénière sur la mission dans le monde. L’assemblée s’était préoccupée presque uniquement des questions de justice sociale. Après tout, c’était en 1968, une année de manifestations radicales partout dans le monde. Stott lui-même ressentait profondément les besoins des pauvres. Mais il y avait eu une omission flagrante dans les discussions : les besoins des non-évangélisés. Et Stott ne pouvait pas les laisser dans l’oubli.

Lors de son retour, il écrivit : « Je ne regrette absolument pas cet accent qui a été mis [sur la justice sociale], hormis qu’il ne semblait y avoir aucune compassion comparable pour la faim spirituelle des millions de non-évangélisés, aucun appel comparable à aller vers eux avec le Pain de Vie… Comment pouvons-nous sérieusement affirmer que la libération politique et économique est toute aussi importante que le salut éternel ? » (John Stott : The Making of a Leader, page 125).

La vraie liberté est la liberté d’être le véritable nous-mêmes, tels que Dieu nous a créés et qu’il a voulu que nous soyons.

Tout au long de son ministère, Stott a défendu l’importance de l’engagement social chez les chrétiens évangéliques, mais jamais comme remplacement de l’évangélisation.

 

Libérés de la colère

 

Dans La Croix de Jésus-Christ , le livre que beaucoup considèrent comme son œuvre principale, Stott explique la seule façon de satisfaire la faim des millions de personnes non-évangélisées – la seule façon dont nous pourrons être libres de les servir, et la seule façon dont ils pourront être libérés du péché. Il défend de manière soutenue la doctrine de la substitution pénale, la croyance que Christ est mort à notre place, en portant la punition pour nos péchés, pour que nous puissions être libérés du poids de nos péchés. À la croix, dans son saint amour, Dieu lui-même à travers Christ a payé le prix entier de notre désobéissance. Il a porté le jugement que nous méritons afin de nous apporter le pardon que nous ne méritons pas. À la croix, la justice et la miséricorde divines ont été exprimées ensemble et éternellement réconciliées (page 89).

Ce témoignage de la croix a du sens seulement si nous prenons au sérieux la colère de Dieu. C’est seulement quand nous voyons l’apaisement de la colère divine au cœur de ce qui se passait à la croix que la gloire de l’amour de Dieu en Christ resplendit de toutes ses couleurs. C’est seulement ainsi que la croix amène le réconfort profond que Dieu veut offrir à ceux qui se confient en Jésus. La croix n’est pas simplement en geste ou un exemple d’amour. C’est un acte de délivrance, qui nous libère du jugement que nous méritons. L’évangile est la bonne nouvelle de la délivrance de la colère de Dieu.

Mais l’évangile n’est pas seulement le fait d’éviter les conséquences négatives de notre péché ; c’est aussi une invitation à trouver notre joie et notre satisfaction en Dieu. Dans les mots de Stott, nous ne sommes pas seulement libérés de la colère, l’égoïsme et la peur ; nous sommes aussi libérés pour l’amour. Le christianisme, nous dit Stott dans Le chrétien à l’aube du XXIème siècle, « c’est être libéré de la sombre prison de notre propre égocentrisme, vers une nouvelle vie d’épanouissement à travers le service et l’oubli de soi » (page 310). Ailleurs, Stott définit le salut comme être libérés du jugement pour devenir enfants de Dieu, de l’égoïsme pour le service, et de la décomposition pour la gloire (Mission Chrétienne dans le Monde Moderne, pages 100-107). La formulation précise peut varier, mais le thème commun est la libération pour Dieu.

 

Libérés pour Dieu

 

« La vraie liberté est la liberté d’être le véritable nous-mêmes, tels que Dieu nous a créés et qu’il a voulu que nous soyons », dit Stott (Le chrétien à l’aube du XXIème siècle, page 53). Il part de Dieu. Pour Dieu, la liberté ne signifie pas avoir beaucoup de choix possibles. Dieu n’est pas libre de choisir le péché, et pourtant Dieu est l’être le plus libre. Pour Dieu, la liberté signifie la capacité d’être qui il est. Rien ne peut empêcher le grand JE SUIS d’être le JE SUIS.

De manière semblable, la vraie liberté pour les êtres humains n’est pas le fait de pouvoir faire tout ce que l’on veut. C’est ainsi que la liberté est souvent définie dans notre culture. On voit la liberté comme le fait d’être libéré de toute contrainte et limite. La liberté, c’est la capacité d’adopter n’importe quel mode de vie, de choisir n’importe quel partenaire sexuel, d’éviter n’importe quelle obligation. Plus nous avons de choix, plus on pense être libre.

Pour être moi-même, je dois renoncer à moi-même et me donner moi-même.

Mais ce n’est pas ce qu’enseigne la Bible sur la liberté. Ce n’est pas la liberté à l’image de Dieu. La vraie liberté, c’est la capacité d’être ce que nous sommes censés être — des personnes créées pour aimer Dieu et pour aimer les autres. Un poisson est fait pour l’eau et expérimente sa liberté dans le contexte de l’eau. Donc la liberté pour un poisson, ce n’est pas d’avoir le choix de quitter la rivière. Pour un poisson, c’est la mort. Au contraire, la liberté, c’est l’eau. Qu’en est-il des êtres humains ? Pour quoi sommes-nous faits ? Qu’est-ce qui nous permet d’être véritablement libres et épanouis ? Stott répond : l’amour. Et cela parce que nous sommes faits à l’image de Dieu, et Dieu est amour dans l’essence de son être (1 Jean 4.8, 16). Donc pour les êtres humains, la liberté, c’est l’amour.

L’évangile nous rend libres d’être véritablement nous-mêmes et définit ce que nous sommes véritablement, et cela est défini par la vie et les accomplissements du Christ. Stott était profondément centré sur Christ, et sa compréhension de l’humanité n’est pas une exception à cela. Christ est le véritable être humain, humain comme nous étions censés l’être avant que le péché ne corrompe notre humanité. Le résultat est une vision de la liberté qui est à la fois contre-culturelle et contre-intuitive (en tout cas pour des pécheurs). Nous sommes libres quand nous vivons sous la seigneurie de Christ, et nous sommes libres quand nous nous voyons comme serviteurs des autres. Nous trouvons l’épanouissement à travers le sacrifice ; nous recevons quand nous donnons de nous-mêmes.

 

Se donner pour être soi-même

 

« Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, » dit Jésus dans Marc 8.35, « Mais celui qui la perdra à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera. » Stott nous fait remarquer que le mot traduit par vie dans ce verset n’est pas le mot qu’utilise habituellement le Nouveau Testament pour décrire la vie au sens de l’existence. C’est un mot qui signifie plutôt âme ou soi-même (c’est ainsi qu’il est traduit dans la phrase « perd son âme » au verset suivant). Stott paraphrase donc ainsi le verset : « Si tu continues à t’accrocher à toi-même, et à vivre pour toi-même, et que tu refuses de lâcher prise, tu te perdras. Mais si tu es prêt à te donner par amour, alors, à l’instant d’abandon le plus complet, quand tu penses que tout est perdu, le miracle se produit, et tu te trouves toi-même ainsi que ta liberté. » Il commente ensuite :

« L’amour véritable place des contraintes sur celui qui aime, car l’amour est essentiellement un don de soi. Et cela nous mène à un paradoxe chrétien frappant. La vraie liberté est la liberté d’être vraiment moi-même, tel que Dieu m’a créé et tel qu’Il veut que je sois. Et Dieu m’a créé pour aimer. Mais l’amour est un don, un don de soi. Donc pour être moi-même, je dois renoncer à moi-même et me donner moi-même. Pour être libre, je dois servir. Pour vivre, je dois mourir à mon propre égocentrisme. Pour me trouver, je dois me perdre à aimer… C’est uniquement le service sacrificiel, le don de soi dans l’amour pour Dieu et pour les autres, qui constitue la liberté parfaite. » (The Gospel : A Life-Changing Message, pages 32-33).

L’Évangile est la bonne nouvelle par laquelle, au moyen de la foi en Christ, nous pouvons être libérés de la colère. Et c’est la bonne nouvelle de la liberté pour Dieu – pour la véritable satisfaction dans la connaissance de Dieu et le service des autres. Et parce que John Stott avait reçu cet Évangile et goûté à cette liberté, il ne pouvait ni oublier ni négliger les non-évangélisés à travers le monde.

 

Article traduit avec autorisation, merci Nicolas pour cette traduction !!

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