Vie éternelle et sens ultime

Cette « éternité » que Dieu nous aurait soi-disant mise dans le cœur est un autre ingrédient nécessaire pour conférer un sens ultime à nos actions. Si rien n’existe après la mort, celle- ci est une annihilation universelle inévitable, et le désespoir est de rigueur. Si la mort est la fin de toutes choses, c’est le grand Effaceur qui empêche la vie humaine d’avoir un sens. Quelle différence entre une voie ou une autre dans ce monde présent s’il est voué à la destruction? Tout ce qu’on fait dans cette vie est alors semblable à la personne qui réorganise les chaises sur le pont du Titanic. Le projet est futile, car le navire est en train de couler et tout va bientôt être anéanti, annihilé. « Niez l’immortalité d’une façon absolue, dit Ernest Renan, et aussitôt le monde devient pâle et triste ».

Le curé Jean Meslier, juste avant de mourir au début du dix-huitième siècle, a publié son mémoire choc dans lequel il avouait avoir été athée, et critiquait agressivement la religion. Arrivé à la dernière page de cet ouvrage épais, il remarquait finalement que la mort et le retour au « rien » annulaient tout espoir, toute valeur, et tout sens ultime pour ses actions, y compris pour ses écrits philosophiques, dans cette vie :

« Je ne prends déjà presque plus de part à ce qui se fait dans le monde. Les morts, avec lesquels je suis sur le point d’aller, ne s’embarrassent plus de rien, ils ne se mêlent plus de rien et ne se soucient plus de rien. Je finirai donc ceci par le rien, aussi ne suis-je guère plus qu’un rien et, bientôt, je ne serai rien. »

C’est joyeux.

Sur un ton similaire, Albert Camus, faisant face en tant qu’athée à l’absurdité de la vie sans Dieu, suggérait de manière célèbre que la seule question philosophique sérieuse était le suicide. On peut encore citer deux ou trois athées tout aussi explicites sur la question. Le baron d’Holbach remarquait que « la mort est le remède unique du désespoir » et que « celui qui se tue ne fait pas, comme on prétend, un outrage à la nature, ou, si l’on veut, à son auteur. Il suit l’impulsion de cette nature, en prenant la seule voie qu’elle lui laisse pour sortir de ses peines ». Michel Onfray admet que le réel sans Dieu est « tragique » et demande que l’on en « désespère tout de suite ». Selon Bertrand Russell, un philosophe athée britannique célèbre, l’homme est « le produit de causes qui ne prévoyaient pas du tout la fin qu’elles accomplissaient», et toute son histoire est « destinée à disparaître dans la vaste mort du système solaire ». Conséquence : on ne peut bâtir notre vie que sur le « fondement ferme du désespoir inébranlable ».

Cet avis semble donc être assez universel parmi les athées qui réfléchissent à la question de la mort et du sens: sans Dieu et sans la vie éternelle, il n’y a pas de sens à la vie. André Comte-Sponville conclut alors avec cette admission limpide :

« Pascal, Kant et Kierkegaard ont raison : un athée lucide ne peut échapper au désespoir ».

Personnellement, l’option du désespoir ne m’enchantait pas vraiment. Alors j’ai fait tout naturellement ce que Blaise Pascal avait annoncé trois siècles plus tôt: «Les hommes n’ayant pu guérir la mort […] se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser ». J’ai donc arrêté d’y penser, et j’ai continué ma vie, fût-elle dépourvue de sens. Sans poser plus de questions, j’ai continué mes nombreuses activités, poursuivant en elles le bonheur à tout prix, parfois (et même souvent) au détriment des autres autour de moi.


Cet article est un extrait de La foi a ses raisons de Guillaume Bignon.

Guillaume est raisonnablement athée. Profondément athée. Son travail de consultant en informatique financière le comble. Sa pratique du volley-ball en national et le succès croissant de son groupe de musique l’aident considérablement dans ses conquêtes féminines. Mais sa rencontre en auto-stop avec un ex-mannequin aura un impact inattendu sur ses croyances.

Au fil de son témoignage, atypique et émouvant, Guillaume aborde les grandes questions philosophiques qui l’ont amené à croire en Dieu. Il n’esquive aucun sujet : la moralité, la relation entre foi et science, le surnaturel, le problème du mal, la fiabilité de la Bible.

Avec une rigueur intellectuelle exceptionnelle, une authenticité remarquable et un humour pétillant, il emmène le lecteur dans ses propres questionnements et ses surprenantes découvertes.

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Guillaume Bignon

Guillaume Bignon est ingénieur en informatique financière. Diplômé de l’Institut supérieur d’électronique de Paris, il est aussi titulaire d’un doctorat de théologie philosophique de l’Université du Middlesex à Londres.

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