Sainte-Cène : symbole ou… ?

S’il est un sujet qui divise les différentes “branches“ du christianisme depuis 1000 ans, c’est bien celui du Repas du Seigneur.

Il s’agit de l’un des points de tension majeur de la Réforme, et les querelles autour de sa nature et de ses propriétés ont également profondément agité le christianisme médiéval.

En dialogue récurrent depuis plusieurs mois avec des Coptes Orthodoxes d’Egypte, j’ai été amené à clarifier ma position dans un article que vous retrouverez sur mon blog, Le Bon Combat.

Quelques pensées spéciales pour mes amis Rebellutionnaires.

1- Une question centrale

Le simple fait que certains considèrent la Cène comme un sacrement capable d’accorder le pardon des péchés prouve combien ce sujet est central.

Dès qu’une doctrine touche directement au sujet du salut par l’oeuvre de Christ, il y a de fortes présomptions que celle-ci fasse partie de ce que Jude appelle “la foi transmise aux saints une fois pour toute“ (Jude 3).
La Cène fait donc partie de ces doctrines fondamentales du Christianisme sur lesquelles on ne peut pas transiger.

Rebellutionnaires : vous vous devez d’avoir une idée claire sur ce sujet !

2- Trois approches principales

On peut regrouper les différentes positions sur le Repas du Seigneur en trois grandes catégories : réaliste, mystique, et symbolique.

– position réaliste : c’est l’approche des églises traditionnelles (catholiques, orthodoxes, etc..). Certains pensent que, lorsque le prêtre bénit le pain et la vin, ceux-ci se transforment alors en vrai corps et vrai sang de Christ. Il n’y a plus alors que le corps et le sang de Christ dans ces éléments (“transsubstantiation“ catholique, “mystère“ orthodoxe, etc…).
D’autres pensent que lors de la Cène, le pain et le vin conservent leurs substances propres avec lesquelles coexistent les substances du corps et du sang du Christ (on parle alors de “consubstantiation“, approche défendue par Duns Scott, Guillaume d’Okham, Martin Luther, etc…)

– position mystique : c’est l’approche majoritaire chez les réformateurs et leurs successeurs, les puritains (elle cependant attestée bien avant, par exemple chez Jean Chrysostome). Selon cette approche, au moment de la Cène, Christ est bien présent d’une manière spéciale dans les éléments, mais certainement pas corporellement. La confession de foi de Westminster, par exemple, déclare que “le corps et le sang de Christ sont alors [au moment de la Cène], non pas corporellement ou charnellement, dans, avec ou sous le pain et le vin, mais ils sont réellement et spirituellement présents pour la foi de ceux qui croient en cette ordonnance“.

– position symbolique : C’est l’approche majoritaire chez les évangéliques d’aujourd’hui. La frontière avec la position mystique est souvent bien fine. L’approche symbolique tend à limiter la portée du Repas du Seigneur à un rôle de commémoration symbolique uniquement. Christ n’est pas davantage présent lors de ce repas qu’il ne l’est d’ordinaire. Au passage, il ne faudrait pas penser que cette position est récente. Il est attesté que Béranger de Tours la défendait déjà au 11ème siècle et elle a certainement des racines plus anciennes encore.

3- Comment se positionner ?

Dans l’article mentionné en introduction, je pense démontrer clairement que la (ou plutôt les…) position réaliste n’a aucun fondement biblique.

C’est particulièrement le cas l’approche des églises traditionnelles (catholiques et orthodoxes), qui y voient un moyen de propitiation des péchés (c’est à dire, un moyen de pardonner efficacement les péchés).

Un croyant sincère voulant fonder sa foi sur les textes bibliques devra donc choisir entre approche mystique et symbolique.

Personnellement, après de nombreuses réflexions sur ce sujet, j’en suis arrivé la conclusion que la Cène est plus qu’un simple mémorial symbolique.
Je crois qu’il s’agit bien plutôt d’un moyen de la grâce par lequel les croyants sont spécifiquement et particulièrement unis à Christ par la foi, en cet instant.
Et les bénéfices pratiques en sont nombreux. Sans m’étendre, je citerai par exemple le fait que nous soyons poussés, par ce moyen, à un examen approfondi de nous-même qui nous conduira à la repentance. Et c’est bien une grande grâce que celle de se repentir (cf. 2 Tim. 2:25)

Quoi qu’il en soit, lorsque vous prenez la Cène, Rebellutionnaires, ne le faites pas à la légère, et réfléchissez à toutes les bénédictions que Dieu vous a accordées en Jésus-Christ !!

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Clément Dv

25 ans, Rébellutionnaire, ingénieur dans l'environnement, meneur de louange à l'Eglise de Saint-Maur (AECM)

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5 Commentaires

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  • (je reporte et édite ici le commentaire que j’avais déjà posté sur le Bon Combat)

    Luthérien, récemment converti à l’idée de présence réelle et substantielle de Christ dans l’Eucharistie, je me permet de citer quelques extraits des rares œuvres des Pères de l’Église que j’ai lu pour l’instant, toutes antérieures à 170, qui me semblent être un appui évident et définitif à cette doctrine, apparemment crue et conservée par tous, en tous temps et en tous lieux jusqu’à la Réforme :
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    La Didachè, IX, 5 : « Que personne ne mange ni ne boive de votre Eucharistie, si ce n’est les baptisés au nom du Seigneur ; car c’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens » « .
    Ce passage énonce que l’Eucharistie est un matériau saint, y compris pour celui qui la prend indignement – et que la prend alors pour sa perte. Une telle position n’est cohérente qu’avec la croyance en la Présence Réelle, indistincte de la foi de celui qui reçoit le sacrement. Ce qui exclut la position « mystique ».
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    Épître d’Ignace d’Antioche aux Smyrniotes, VII, 1 : (au sujet des docètes) « Ils s’abstiennent de l’eucharistie et de la prière, parce qu’ils ne confessent pas que l’eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, chair qui a souffert pour nos péchés, et que dans sa bonté le Père a ressuscitée. »
    Les docètes niaient l’Incarnation ; à plus forte raison niaient-ils le fait que la chair et le sang du Christ puissent être présents réellement dans l’Eucharistie ! Une telle abstinence de la Cène n’aurait aucun sens sans le cas d’une non-présence réelle prêchée par l’Église. Pourquoi les docètes auraient-ils introduit une rupture au niveau de la Cène, si cette dernière n’avait pas pour but de leur mettre devant les yeux ce qu’ils niaient ?
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    Épître d’Ignace d’Antioche aux Smyrniotes, VIII,1 : « Que personne ne fasse, en-dehors de l’évêque, rien de ce qui regarde l’Église. Que cette Eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l’évêque ou de celui qu’il en aura chargé. »
    L’insistance sur l’Eucharistie est toute particulière, et on est en droit de s’interroger sur ce que signifie le terme « légitime », si la Cène ne voit pas d’acte surnaturel étroitement lié à l’Église se produire…
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    Épître d’Ignace d’Antioche aux Philippiens, IV, 1 : « Ayez donc soin de ne participer qu’à une seule eucharistie ; car il n’y a qu’une seule chair de notre Seigneur Jésus-Christ, comme un seul calice pour nous unir en son sang ».
    L’Eucharistie nous unit en le sang de Christ, et non en sa représentation ; d’ailleurs, pourquoi, si l’Eucharistie était symbolique/spirituelle, il n’y aurait-il QUE le calice pour nous unir au sang du Christ ?
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    Justin Martyr, Apologie, 66 : « Nous appelons cet aliment Eucharistie, et personne ne peut y prendre part, s’il ne croit la vérité de notre doctrine, s’il n’a reçu l’ablution pour la rémission de ses péchés et sa régénération, et s’il ne vit selon les enseignements du Christ. Car nous ne prenons pas cet aliment comme un pain ordinaire et une boisson commune. Mais de même que, par la parole de Dieu, Jésus-Christ, notre Sauveur, ayant été fait chair, a pris sang et chair pour notre salut; de même aussi cet aliment, qui par l’assimilation doit nourrir nos chairs et notre sang, est devenu, par la vertu de l’action de grâces, contenant les paroles de Jésus-Christ lui-même, le propre sang et la propre chair de Jésus incarné: telle est notre foi. »
    L’affirmation de la consécration et de la transformation du pain et du vin est claire et nette. Remarquons que Justin s’adresse à l’Empereur païen, dans un contexte où les chrétiens sont cibles de calomnies et de persécutions. Si la présence du Christ n’était pas réelle, Justin n’aurait-il pas dit la vérité sur la doctrine de l’Église (« cela représente le Corps/le Sang » ?), de peur de passer pour un cannibale (le reproche aurait pu lui être adressé par des païens calomniateurs ; d’ailleurs, il l’a été au temps des persécutions) ? Je ne pense pas. Or, il fait tout le contraire ; il dit que cela EST le corps et le sang du Christ.
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    Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, IV, 18, 4-5 : « Au surplus, comment auront-ils la certitude que le pain eucharistie est le corps de leur Seigneur, et la coupe, son sang, s’ils ne disent pas qu’il est le Fils de l’Auteur du monde, c’est-à-dire son Verbe, par qui le bois «fructifie», les sources coulent, « la terre donne d’abord une herbe, puis un épi, puis du blé plein l’épi» ? Comment encore peuvent-ils dire que la chair s’en va à la corruption et n’a point part à la vie, alors qu’elle est nourrie du corps du Seigneur et de son sang ? Qu’ils changent donc leur façon de penser, ou qu’ils s’abstiennent d’offrir ce que nous venons de dire ! Pour nous, notre façon de penser s’accorde avec l’eucharistie, et l’eucharistie en retour confirme notre façon de penser. Car nous lui offrons ce qui est sien, proclamant d’une façon harmonieuse la communion et l’union de la chair et de l’Esprit : car de même que le pain qui vient de la terre, après avoir reçu l’invocation de Dieu, n’est plus du pain ordinaire, mais eucharistie, constituée de deux choses, l’une terrestre et l’autre céleste, de même nos corps qui participent à l’eucharistie ne sont plus corruptibles, puisqu’ils ont l’espérance de la résurrection. »
    Ce passage dit que le corps est nourri de la chair et du sang du Seigneur ; on peut difficilement concilier ça avec le fait de dire « je n’avale pas la chair et le sang ! ». Remarquons qu’Irénée insiste sur la certitude le l’identité corps/pain et sang/vin au début du texte ; et, en fin de texte, dit que le pain eucharistié n’est, après la consécration, plus seulement terrestre, mais également céleste (on mettra ce qu’on veut derrière ; que cela soit un reste de substance du pain chez Luther, ou les accidents chez les catholiques). La consécration fait changer quelque chose dans l’être même du pain, et le rend céleste ; chose qui ne peut se retrouver que dans la croyance en la présence réelle.
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    Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, IV, 33, 2 : (contre les marcionistes) « Comment, si le Seigneur était issu d’un autre Père, pouvait-il sans injustice déclarer que le pain appartenant à notre Création était son Corps, et affirmer que le mélange de sa coupe était son sang ? »
    Le raisonnement par l’absurde d’Irénée ne fonctionne que si le pain et le vin sont réellement Corps du Christ ; car en effet, l’injustice en en question aurait été de mêler un matériau de notre création (pain et vin) à un matériau de la nouvelle création (corps et sang). Ce qui présuppose la Présence réelle.
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    Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, V, 2, 2-3 : « S’il n’y a pas de salut pour la chair, alors le Seigneur ne nous a pas non plus rachetés par son sang, la coupe de l’eucharistie n’est pas une communion à son sang et le pain que nous rompons n’est pas une communion à son corps. […] Et parce que nous sommes ses membres et sommes nourris par le moyen de la création […] la coupe, tirée de la création, il l’a déclarée son propre sang, par lequel se fortifie notre sang, et le pain, tiré de la création, il l’a proclamé son propre corps, par lequel se fortifient nos corps
    Si donc la coupe qui a été mélangée et le pain qui a été confectionné reçoivent la parole de Dieu et deviennent l’eucharistie, c’est-à-dire le sang et le corps du Christ, et si par ceux-ci se fortifie et s’affermit la substance de notre chair, comment ces gens peuvent-ils prétendre que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu consistant dans la vie éternelle, alors qu’elle est nourrie du sang et du corps du Christ et qu’elle est membre de celui-ci, comme le dit le bienheureux Apôtre dans son épître aux Ephésiens . « Nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os » ? […] Et de même que le bois de la vigne, après avoir été couché dans la terre, porte du fruit en son temps, et que « le grain de froment, après être tombé en terre» et s’y être dissous, resurgit multiplié par l’Esprit de Dieu qui soutient toutes choses — ensuite, moyennant le savoir-faire, ils viennent en l’usage des hommes, puis, en recevant la parole de Dieu, ils deviennent l’eucharistie, c’est-à-dire le corps et le sang du Christ —, de même nos corps qui sont nourris par cette eucharistie, après avoir été couchés dans la terre et s’y être dissous, ressusciteront en leur temps, lorsque le Verbe de Dieu les gratifiera de la résurrection « pour la gloire de Dieu le Père ».
    Encore une insistance sur l’après-consécration ! L’eucharistie y est qui plus est décrite comme un aliment spécial, conférant presque la résurrection ! Comment tenir une telle explication, sinon avec la Présence Réelle ?
    Remarquons l’usage, encore, du verbe « tirée » pour qualifier la coupe et le pain ; ils sont tirés de la création, et mis à part par la consécration. Quoi de plus net en faveur de leur sanctification par la Présence Réelle ?
    ———-
    En conclusion ; remarquons que c’est à chaque fois le verbe être qui est employé et rendu. Jamais, ces Pères anciens ne parle de l’Eucharistie comme une figuration, mais ils identifient les espèces au Corps et au Sang.

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    • Salut Théodore,

      J’ai bien vu ton commentaire sur Le Bon Combat que je n’ai toujours pas approuvé, car j’attends la réponse au mail que je t’ai envoyé le 1er novembre 2013.
      Dans celui-ci je t’expliquais ne pas pouvoir publier ton commentaire en l’état car, après une vérification succincte de tes citations, j’y trouvais :
      – des problèmes de références (je ne retrouve pas certaines citations
      – des problèmes de traduction (en particulier la citation de Justin, dans sa première Apologie, 66. Texte connu que personne ne traduit comme toi. Or cela change tout au débat !!)

      J’ai fait aujourd’hui même une réponse globale aux réactions suscitées par mon article initial. La tienne est prise en compte.
      Tu peux consulter cette réponse ici : http://leboncombat.fr/reponses-aux-reactions-suite-a-mon-article-sur-leucharistie/

      En Christ,
      Guillaume

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  • La question est intéressante et la première phrase m’a interpellé :

    « S’il est un sujet qui divise les différentes “branches“ du christianisme depuis 2000 ans, c’est bien celui du Repas du Seigneur. »

    En effet s’il y a justement quelque chose qui m’a toujours étonné, c’est au contraire l’absence totale de polémique sur ce sujet durant l’Antiquité.

    Il est frappant de constater , notamment au IVe siècle et Ve siècle, durant l »‘âge d’or » de la patristique, à une époque où les théologiens se battaient sur à peu près toutes les questions, qu’il n’y a justement, à ma connaissance, aucune trace d’une polémique concernant le Repas du Seigneur.

    En tout cas de mon côté je ne connais aucun traité polémique (qui surabondent pourtant durant cette période), ni aucune législation conciliaire qui aborde ce sujet.

    Mais peut-être, est-ce simplement une ignorance de ma part.

    Accessoirement, pour ceux qui sont intéressés par l’histoire de la théologie, je comptais justement bientôt commencer une série d’articles pour exposer le point de vues des différents Pères de l’Eglise sur ce sujet :

    http://didascale.wordpress.com

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    • Salut David,

      Tu avais disparu de mes écrans radar !!

      Oui je reconnais que ma phrase d’accroche est bien mal choisie. Ce que je voulais dire, c’est : “aucun sujet ne divise autant les chrétiens d’aujourd’hui sur 2000 ans d’histoire“.
      Je vais demander à Clément de remplacer ce 2000 par 1000, ce qui sera plus juste.
      En effet, dans les débats actuels, certaines citations de Pères (en particulier Ignace d’Antioche et Cyrille de Jérusalem) sont âprement débattues.

      A ma connaissance, la première grande polémique entre réalistes et symbolistes se retreouve au 11è siècle, autour de la personne de Béranger de Tours. Mais là encore, je n’ai pas fait de recherches exhaustives.

      Si tu as connaissance sources polémiques avant cette date, je serai très content que tu me les indique.

      Guillaume

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  • Pourquoi ne pas en rester a ce que Jésus a dit sans aller plus loin : faites ceci en memoire de moi…

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