Nova

« Première lueur, c’est le matin d’un monde qui n’est plus le mien. Dernière expiration, j’étais devenue Nova, trop lourde, attendant, recroquevillée, le moment de l’implosion. »

Saison gelée

C’était une journée hivernale. Devant un pin enneigé, elle dessinait la vie en grand. Au milieu de son tableau, un feu de camp crépusculaire dégageait une épaisse fumée s’enchevêtrant avec les profondeurs de l’infini. Le rythme endiablé des violons rythmait le cœur des enfants qui dansaient au milieu des tisons dorés. C’était la vie qu’elle désirait. La plénitude sous ses plus hautes coutures.

Elle voulait s’envoler, sans barrières. Elle allait marteler son âme de rires, de souvenirs, d’enchantements. Puisque sa vie était unique, il fallait que le coup de pinceau soit grandiose, que les finitions soit indélébiles. Un coup de rouge à lèvre l’habillerait, tandis qu’elle danserait la valse des grands, celle qui ne s’arrête pas après trois temps. Son histoire serait celle de tous. Regardez-la, aimez-la, parce que celle-la, elle va réinventer le printemps.

Saison desséchée

Du haut de ses yeux verts, ciel sans nuage, elle a tout essayé :

–                    garder la santé      partir
              aider les miséreux      voyager
–           préserver la planète      re-respirer
     s’amuser sans s’arrêter      boire à sa soif
    déceler le bon éclairage      réaliser ses rêves
–           profiter de l’instant      acquérir la sagesse
–                 ne rien regretter      posséder en quantité
–                  trouver l’amour      influencer à volonté
–                         mourir libre      diriger l’humanité
–                                     rester      ne pas s’effacer

Mais finalement, dans le miroir de son univers, elle ne voit qu’un désert brulant, une chaleur étouffante, un néant torride. Elle aurait aimé se sentir utile, utilisée, irremplaçable, irrésistible. Elle aurait voulu faire une différence, cueillir une symphonie ou inventer l’arc-en-ciel. Mais elle est seule, terriblement petite et affreusement banale. Ses rêves, aussi puissants avaient-ils été, ne pouvaient que s’écraser contre l’horreur des jours gâchés. Elle avait mal, ses veines voulaient crier, son esprit ne la contenait plus. Exploser devenait le seul message, mais ça n’allait pas changer le sens du vent, ni la formule de la gravité. Elle n’avait qu’une seule solution : se laisser imploser. Devenir Nova.

Saison isolée

L’illusion écrasée, fin de l’espoir du jour qui ne viendra pas. Elle était là, ses poumons battant la poussière à chaque lever du soleil. Elle devait affronter, faire de son mieux. Après tout, il ne restait qu’à se concentrer sur aujourd’hui et laisser la routine la faire devenir. Quel couleur de thé pour son café, quels livres ressentir, à qui ressembler, quoi choisir pour la prochaine machine à laver, avec qui partager ses nuits, jusqu’où suivre ses pieds, que faire demain, puis le jour d’après… Ses lèvres avaient un infâme gout d’insatisfaction. Pourtant, au milieu de la foule, elle ne se sentait pas mal. Après tout, elle était là, en vie, pas concernée par toutes ces affaires médiatisées, ni dans un pays où personne n’ose regarder. Dans son journal, elle noyait son inertie par des avis imitant la compassion.

« Lâcher de l’espoir, se battre contre le néant ne réveillera pas l’humanité.  Désenchantée, Il ne reste plus qu’à choisir l’espérance. »

Saison abandonnée

Puisque que rien ne se suffit puisque le cosmos dépérit

Parce que la fin n’a plus d’odeur parce que le chemin s’évapore

Les uns meurent les autres se tuent les derniers s’ennuient

Au milieu des maladies des guerres et des tromperies

Le cœur n’est plus en dedans la vie doit être en dehors

Espoir d’un soleil différent d’une majesté éclatant l’humanité

Ce n’est pas ici bas, je vais chercher plus haut.

Alors j’ai décidé de croire en Dieu.

Saison libérée

L’arbre trônait au milieu de l’océan. Le jasmin et le bleu de son feuillage embaumait l’atmosphère d’une chaleur couleur miel qui réchauffait le visage. Je me regardais, tenant fébrilement le livre de mon passé. La main tendue, le jeune homme me le demandait. Epuisée de ce que j’étais, fixant son regard rempli d’amour, j’ai accepté. Oui, je désirais qu’il me dessine, je voulais qu’il me fasse naitre. Oui, j’ai ouvert la porte. En souriant tendrement, il a pris ma main.

Alors, tout à changé. De nouvelles branches sont venues se greffer à mes veines, me tirant par l’écorce jusqu’aux racines de l’arbre. Au pied du morceau de bois, j’ai choisi de tout déposer. Une par une, j’ai abandonné mes pages, jusqu’à regarder la couverture brûler lentement, dans un silence aérien. Petit à petit, mon cœur s’est levé. La tête hors de l’eau j’ai commencé à flotter. J’étais légère. Marchant sur les flots, je me suis mise à tournoyer. Je venais de me greffer sur l’infini.

Saison retrouvée

C’est un moment sans commencement ni fin. En harmonie, bâtie pour l’éternité, rien ne venait perturber la célébration. De chaque côté de l’allée centrale, le monde est assemblé, les mains tendues vers lui. Il avance dignement, rayonnant, habillé d’éclat. Je cherche son visage pour mettre des mots sur ce Dieu de l’infini, mais mes yeux ne peuvent se fixer. C’est étrange et fabuleux à la fois. Sa lumière, sa présence est trop abondante pour être contenue. Il est pleinement visible et pleinement invisible. C’est inexplicable. Il est une cascade de chaleur inondant l’atmosphère sans bruit. C’est une poésie. Il avance avec prestige, sans qu’aucun de ses pas ne puissent être vus. C’est magique, tellement la puissance rythme ses mouvements. Aucune mécanique, aucune formule humaine ne pourrait l’expliquer. Tout est tellement fluide, puissant, trop grand pour être compris. Ce n’est pas lumineux, c’est au delà de la splendeur. Ce n’est pas un homme, c’est un Dieu. Il n’est pas présent, il déborde dans tout le temple.

Où sommes nous ? La foule est tellement abondante que rien n’aurait pu la contenir. On est peut-être dehors, entouré par l’univers. Où au milieu d’une flamme qui s’élève dans la voute céleste… Tout jailli et le vase n’est jamais rempli. Nous coulons dans un océan sans fond. L’ambiance est extraordinairement intense et rayonnante. Rien de terrestre.

De chaque côté de l’allée, la foule se tient, les mains tendues vers lui, criant sa présence en silence. Plus rien n’a d’importance. Juste l’adorer, tout centrer sur sa majesté. Une musique emplit l’espace. Personne ne peut dire si elle vient des cœurs en ébullition, de la pureté de ses pas ou des instruments qui résonnent. La musique vient du ciel, du sol, de partout. Elle se déverse avec une douceur suave. Tous les sens se mélangent. C’est du miel, c’est une étoffe pourpre, c’est de la soie. Son peuple se tient debout, face à lui, les bras en rameaux levés pour sa gloire. L’acclamation est pleine, nous sommes un. Et cette unicité c’est lui. Seule la présence de Dieu compte. Elle donne sens à tout. Nous sommes auprès de lui, nous prenons part à sa gloire. C’est l’ivresse dans le flacon le plus divin. Le cristal le plus pur.

« Nouvelle lueur, c’est le réveil de tous les matins. Première inspiration, je suis devenue Eva, le cœur en dehors, jusqu’à enfin, toucher le ciel… « 

Digiqole ad

Eva

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